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Faire l’amour en lisant le National Post

Ceci est un billet dont je n’ai pas trop l’idée en le commençant comment il va débuter et encore moins comment il va se terminer. Sans doute parce que la température est morne par les temps qui courent sur la région montréalaise et que je me doute bien de ce que font les couples pour s’ensoleiller un peu le décembre, ce qui me tord juste assez le fer dans ma plaie d’éternel célibataire bien malgré lui pour me pousser à pondre un texte plus ou moins pertinent qui tentera, à ma façon, de vous ensoleiller le décembre de façon non-fornicatrice en cette période de grisaille qui n’a son égal que dans le National Post.

Je n’ai rien contre ce journal, ni contre quelconque autre journal. Je le trouve juste un peu trop sérieux, comme l’ensemble des autres journaux. Pourquoi m’attarder sur le National Post? J’aurais très bien pu prendre à la place Le Quotidien, Le Devoir ou La Gazette pour faire pipi, mais avouez que juste à prononcer les mots « National Post », un petit aura de sérieux s’impose de lui-même et on s’y plie sans trop poser de question inutile supplémentaire.

Parlant de cette gazette à la tête carrée, l’un de ses plus grands adeptes est client de cette librairie où l’écrivain ex-animateur radio que je suis se travestit en employé servile, insignifiant et facilement remplaçable. C’est un homme moustachu, dans la soixantaine, qui a le crâne bien dégarni et le reste de la tête caché de cheveux grisonnants. On le surnomme « Monsieur Sourire » parce qu’il est tout sauf souriant. On le voit arriver, stoïque et imperturbable, il achète son National Post et lève les feutres sans esquisser ni le moindre sourire, ni la moindre émotion.

Je ne connais rien de la vie personnelle du monsieur en question. C’est peut-être mieux ainsi, cela me ferait dire des bêtises tout à fait gratuites sur son compte. Mais à le voir aller chaque fois que je le croise, je vous avoue que ce n’est pas le genre d’individu avec qui j’irais prendre une bière, encore moins quelqu’un avec qui je sortirais. Tout semble très ordonné dans sa vie à l’apparence aussi grise que ses cheveux. Il ne semble pas avoir de compagnie dans sa vie. Or, tout le monde déteste avoir à composer avec ce qu’on appelle un mal baisé. On oublie cependant qu’il y a pire dans la vie que de rencontrer un mal baisé, car il y a pire qu’eux : les pas baisés du tout. Et ça, c’est dangereux pour un moral!! C’est presque aussi excitant rencontrer ces gens-là que l’idée de faire l’amour en lisant le National Post ou encore d’écouter à l’envers l’oeuvre complète de Nicole Martin pour détecter des messages sataniques cachés dans ses chansons.

Tant qu’à faire ça, j’aime autant écrire. Je le fais dès que je peux, même quand j’écris pas. Le cerveau fonctionne sans arrêt et le fera jusqu’à ce que mort s’en suive, le plus tard possible! J’écris pour m’amuser, j’écris pour défricher des nouveaux coins de mon imaginaire, mais je le fais aussi pour résister, le faisant même sur mes heures de travail. Il ne me faut qu’un bout de papier et un crayon et le tour est joué. En quelques instants, un nouveau billet peut prendre forme, même si chaque coup de téléphone et chaque client qui arrive à moi me coupe les ailes. Je recommence, persiste et signe. Je ne veux pas être de ces artistes qui se suicident en jouant le jeu de la vie commerciale et qui cessent de pratiquer leur art parce que tout le reste les castre en leur pompant leur énergie et leur inspiration. J’en ai vu tellement de ce genre de gens dans ma vie, assez pour ne pas vouloir devenir comme eux, même s’ils ont fini par aboutir dans une chaise de patron.

Ça me fait penser à ce type du Bas-du-Fleuve que j’ai connu dans une autre vie rockdétentienne antérieure. Il avait des yeux d’un bleu qui m’avait autant émerveillé que troublé, mais aussi une plume vive et bien tournée. Après tout, ne venait-il pas d’une région qui a donné au monde entier le grand Victor-Lévy Beaulieu et dont les parents d’une autre influence majeure pour l’écrivain que je suis – un certain Jack Kerouac – sont originaires? J’ai perdu de vue ce type pendant quelques années jusqu’à ce qu’une application cellulaire nous fasse brièvement reprendre contact. Il a aimé que j’écrive encore et a apprécié lire ce que j’écrivais. Quand je lui ai demandé ce qu’il faisait et s’il écrivait encore, il m’a dit qu’il dirigeait un département dans une entreprise commerciale quelconque et qu’il n’écrivait plus, même si l’écriture est toujours restée un vieux rêve pour lui. Après quelques messages textes, nous avons cessé de nous parler.

Je souhaite à chaque artiste suicidé comme lui de ressusciter. Ou du moins essayer. Quant à moi, je résisterai jusqu’au grand jour de la grande éclosion, qui me confirmera que ma résistance, aussi modeste soit-elle, en ait valu la peine. Peut-être celle-ci aidera d’autres suicidés à revenir à leur vraie nature…

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