Il me semble avoir déjà dit qu’un écrivain n’était jamais aussi mauvais que quand il n’écrivait pas. Or, quand on regarde l’activité de ce blogue, on réalise vite que ma productivité n’est pas au rendez-vous.
Je suis entré dans une forme d’hiver littéraire, une période de repos plus ou moins longue où l’inspiration fait défaut, où tout est figé dans l’attente parfois très longue de l’étincelle de génie qui permettra au moulin de l’inspiration de tourner à nouveau à vive allure.
Or, pendant cette période, la vie passe et la rivière du temps coule vers l’infini, chaque seconde qui s’écoule nous approchant de notre destin ultime, ce vers quoi nous allons tous aboutir en espérant que ce moment survienne le plus tard possible.
Je me compare un peu comme un volcan qui entre en éruption après une période de repos plus ou moins longue. Je crache ma lave et mes cendres en mots jusqu’à ce que je les épuise avant de laisser place à une période de récupération qui dure jusqu’à ce que le cycle recommence de lui-même.
J’ai toujours rêvé d’être chroniqueur dans un journal. Mais j’avais aussi envie d’avoir la liberté d’écrire sur n’importe quoi. C’est en lisant Pierre Foglia au Cégep de Chicoutimi au milieu des années 90 que j’ai eu la piqûre pour son écriture. En recherchant sur microfilms sa fameuse chronique dans laquelle il insultait Michèle Richard, je me suis mis à le découvrir. En le lisant, je me suis dit que c’est ça que j’aimerais être et que c’est ça que j’aimerais faire dans la vie. J’avais 18 ans.
Maintenant, j’en ai 41, 42 dans un peu moins de six mois. Je ne suis pas chroniqueur nulle part, sauf dans une radio du Saguenay, où je parle de baseball majeur pendant quinze minutes par semaine. Jadis, j’ai gagné ma vie comme animateur radiophonique un peu partout au Québec. J’ai aussi occupé différents postes dans une librairie de Montréal, ai tenté ma chance sans succès comme journaliste indépendant.
Voulant me relancer après cet échec, j’ai pris la décision d’achever un certificat en publicité amorcé en 2007 et abandonné après une session lorsqu’il fut possible pour moi de m’inscrire au certificat en journalisme, que j’ai complété en juin 2009. Mais reprendre en 2015 un truc amorcé huit ans plus tôt n’a pas été une bonne idée. J’ai repris là où j’ai arrêté alors qu’il aurait fallu que je recommence le tout à zéro, question de me donner une meilleure chance.
Et reprendre à cet endroit précis m’a fait réaliser pourquoi j’avais arrêté après une session en 2007. Je déteste les travaux d’équipe à m’en confesser. J’ai toujours préféré faire mon affaire tout seul dans mon coin. Mais impossible de travailler seul au certificat en publicité. Tous mes travaux d’équipe sauf un ont été des cauchemars, deux d’entre eux ont mené à des échecs, dont celui qui composait le cours final du certificat, qui s’est terminé en ce qui me concerne en eau de boudin plutôt que par l’obtention d’un diplôme.
Occupant un emploi de nuit assez payant pour me permettre de me renflouer après une période creuse, j’ai décidé que ce certificat en publicité allait rester inachevé et qu’il valait mieux que je rembourse mes dettes avant de me lancer dans d’autres aventures semblables. Mais en ai-je encore envie? Après avoir eu l’impression ferme qu’on s’est bien payé ma gueule, je ne pense pas que j’irai gaspiller de mon argent au certificat en publicité à l’Université de Montréal pour aller y faire rire de moi une deuxième fois.
Qu’importe, c’est de ce désir d’écrire sur n’importe quoi et de m’y prendre n’importe comment. C’est un peu ce que j’ai fait en ouvrant ce blogue en août 2010. Quelques coups de génie sont passés inaperçus, d’autres textes moches ont eu du succès. Chaque fois que j’écris un billet, je m’organise toujours pour avoir un titre accrocheur. « Tout est dans le titre », avait d’ailleurs judicieusement dit Dany Laferrière. Suivant ce principe, je me suis permis de donner à mes billets des titres qui auraient sans doute été refusés si je les avais soumis à une publication quelconque. Imaginez des billets titrés « Justin Bieber tout nu », « Shia LaBoeuf au Festival de la vache qui chie », « Faire l’amour en lisant le National Post » ou encore « Mariah Carey chante mieux pourtant » dans la Presse ou dans n’importe quel journal, ça soulèverait sans doute bien des questions et des commentaires.
Mais je ne suis pas publié nulle part sauf ici. Mon rédacteur en chef – c’est-à-dire moi-même – me laisse carte blanche. Au prix qu’il me paie, disons qu’il n’a pas trop le choix. Il est le seul qui veut bien publier mes écrits et à ne pas trop se soucier de ma productivité, puisqu’il ne me met pas de fusil sur la tempe si je suis trop longtemps sans écrire.
À deux reprises, mes écrits ont été publiés dans un journal, dans le courrier des lecteurs. La plus récente, je faisais un hommage à des gens proches décédés injustement dans un accident de voiture provoqué par un soûlon dans les jours qui ont suivi sa condamnation à une longue peine d’emprisonnement. L’autre fois d’avant, ça m’a coûté ma carrière d’animateur à la radio quand j’ai osé parler des vedettes qui tassaient des vrais animateurs de métier en région.
Au cours des dernières années, j’ai bien voulu proposer ma voix à toutes sortes de stations de radio et agences de publicité, mais personne n’en a jamais voulu. Considérant que plus personne ne voudrait ni de ma voix ni de ma plume, j’ai décidé de m’amuser avec plutôt que de les gaspiller à ne rien faire. Après tout, ne vaut-il pas mieux passer pour un fou que passer à côté.
Je ne réalise pas encore jusqu’à quel point c’est un cadeau pour un libre penseur comme je pense que je suis d’être libéré d’une telle contrainte. Pourtant, c’est la panne sèche et celle-ci n’a pas sa raison d’être. Si vous saviez comme je me retiens de dire certaines choses, juste au cas où un patron de média s’informant sur moi tombe sur mes écrits et décide de ne pas m’engager simplement en me lisant. Je suis déjà mort une fois pour mes idées, je sais ce que c’est. Mais on peut mourir aussi en ne les exprimant pas, en refusant de les verbaliser uniquement pour se plier aux diktats du conformisme sociétal. Ainsi, on sombre dans l’indifférence et l’insignifiance. On devient un mouton qui se blanchit pour être aussi blanc que tout le reste du troupeau et qui accepte d’être aussi insignifiant que ses milliers de voisins qui l’entourent. Et on meurt ainsi avec nos idéaux non exprimés sans que personne ne s’en rende compte. Je ne veux pas finir ainsi.