Mercredi 10 octobre 2012, en plein après-midi. J’assiste à un salon de l’écriture à la Mairie du 7ième arrondissement de Paris où les gens sont charmés de ma parlure canadienne à la québécoise (je déteste me faire traiter de canadien car je suis avant tout québécois) lorsqu’une Parisienne, m’entendant dire que je demeure à Montréal, m’apostrophe pour me parler du léger tremblement de terre qui avait frappé la ville quelques heures plus tôt.
C’était bien la dernière des choses dont je m’attendais qu’on me parle en cette journée magnifique où il a été question d’écriture sous toutes ses formes, où j’ai même eu la chance de faire analyser mon écriture manuelle par une graphologue. Et pourtant, ce séisme, pourtant aussi insignifiant qu’inoffensif, avait fait délier bien des langues sur les réseaux sociaux, incluant la mienne, frustré de ne pas avoir été sur place pour ressentir ce phénomène qui me captive depuis ma plus tendre enfance.
La dernière fois qu’une crise de Parkinson terrienne s’était faite ressentir massivement dans la région montréalaise, c’était le 23 juin 2010. La secousse avait atteint les cinq degrés sur l’échelle de Richter de peine et de misère, mais avait tout de même ébranlé assez solidement les centres médiatiques de Montréal et d’Ottawa pour nous faire croire qu’une simili-fin du monde s’était abattue. Malgré quelques dégâts se limitant à la région épicentrale – à 35 km de Gatineau – les répercussions de ce séisme ont été plus importantes dans les mémoires de ceux qui l’ont vécu que dans l’architecture des infrastructures qui ont dû composer avec les vibrations.
Je peux comprendre qu’on puisse être déstabilisé quand un tel phénomène arrive. C’est normal et il en sera ainsi tant qu’il ne sera pas possible de prévoir d’avance les séismes, exercice hautement aléatoire qui n’a amené que de cuisants échecs, sauf à une seule occasion.
Ça se passe en Chine, en février 1975, dans la région de Haicheng. Il est prouvé scientifiquement que les animaux se comportent différemment avant qu’un séisme d’importance ne frappe, et des scientifiques locaux observant quotidiennement divers animaux les ont tous vus se comporter de façon anormale. C’est ainsi que fut organisée une vaste évacuation préventive qui porta ses fruits lorsqu’un séisme de magnitude 7,3 sur l’échelle de Richter frappa quelques heures plus tard. Bien que quelques centaines de personnes ont été tuées par la secousse, il fut démontré que sans cette évacuation préventive dans cette ville peuplée d’un million de personnes, le bilan aurait été beaucoup plus lourd. Les Chinois ont donc réussi pour la première fois de l’histoire à prédire avec exactitude un séisme d’importance, exploit qui leur valut un tsunami de reconnaissance de partout à travers le monde.
Mais Dame Nature n’en a rien à foutre de nos progrès scientifiques. C’est elle qui décide et elle ne manqua pas sa chance de mettre un terme à la gloire de la Chine d’une façon toute aussi humiliante que catastrophique. Le 28 juillet 1976, plus d’un an et demi après le séisme prédit de Haicheng, la ville de Tangshan dormait tranquillement lorsque le sol fut victime d’une crise d’épilepsie qui atteignit 8,2 sur l’échelle de Richter, tout ça sans quelconque avertissement. Quelques heures plus tard, une réplique de 7,8 fit tomber le peu qui avait résisté de peine et de misère au premier choc. 300 000 personnes ont perdu la vie à Tangshan cette nuit-là, et l’ego de la Chine s’est retrouvé knockouté d’un humiliant œil au beurre noir, la réalité ayant mis terme avec fracas à la gloire d’un peuple qui pensait avoir trouvé la clé pour prévoir les séismes.
Chez nous, au Québec, les séismes font partie de notre quotidien, même si on ne s’en rend pas toujours compte. Les régions de Charlevoix et du Kamouraska ont une petite crise d’épilepsie pratiquement à chaque jour, laquelle ne peut être captée que par des sismographes sans que quiconque ne puisse la ressentir. Ces deux régions se sont fait lancer sur la tête une grosse météorite il y a de ça quelques millions d’années, affaiblissant la croûte terrestre à cet endroit précis. De plus, nous sommes sur la plaque tectonique nord-américaine dont l’extrémité est est la dorsale médio-atlantique, une longue fissure qui divise l’Atlantique en deux par son milieu. De cette fissure émerge en permanence de la lave en fusion qui fige au contact de l’eau, faisant s’agrandir le plancher océanique d’un à deux centimètres par an tout le long de cette faille. À l’autre bout de notre plaque tectonique se trouve la plaque du Pacifique, sur laquelle notre plaque embarque pendant que l’autre s’enfonce dans le sol tout en imposant une certaine résistance sur sa consoeur nord-américaine. Cela crée des tensions internes un peu partout sur la plaque nord-américaine et cette énergie se libère via des séismes qui surviennent aux endroits les plus faibles de la plaque. Avec ce météorite tombé sur la tête de Charlevoix et du Kamouraska, il n’est donc pas surprenant que les séismes fassent partie du quotidien de ces régions, qui en ont connu certains particulièrement épicés, pouvant même s’approcher des sept degrés sur l’échelle de Richter, le dernier remontant à 1925.
Il n’y a pas qu’à cet endroit que la terre tremble sur notre plaque tectonique. Des centaines de petites secousses sont enregistrées à chaque année un peu partout sur cette dernière, une infime minorité d’entre eux pouvant être ressentie. De temps à autre, une crise d’épilepsie plus grosse peut survenir, comme celle de magnitude 5,8 survenue le 23 août 2011 à Piedmont en Virginie, convulsion qui fut même ressentie aussi loin que Chicoutimi!
L’histoire est remplie de ces séismes intra-plaques importants. Le Témiscamingue (6,2) en 1935, le Saguenay (5,9) en 1988, le Nouveau-Brunswick (5,7 et 5,4 à trois heures d’intervalle) en 1982, l’Ungava (6,3) en 1989, et j’en passe!!
Certaines convulsions ont été même pires encore!! Le 18 novembre 1929, une secousse de magnitude 7,2 frappa au sud de Terre-Neuve. 28 personnes ont perdu la vie sur l’île des newfies quand un tsunami frappa le sud de l’île. À ce jour, ce séisme demeure le seul meurtrier dans l’histoire canadienne moderne.
Vivre un séisme majeur, c’est quelque chose! Mais en vivre trois en autant de mois, ça traumatise. La région de New Madrid au Missouri a vécu pareille expérience. Le 16 décembre 1811, une première secousse de magnitude 7,5 frappe. Le 23 janvier 1812, un mois après le premier choc, un deuxième de magnitude 7,7 a frappé et le 7 février suivant, la région compléta son tour du chapeau en encaissant un troisième tremblement de magnitude 7,5. En plus d’endommager les habitations locales, ces séismes ont même réussi à changer le cours du Mississippi!
Le petit 4,5 d’hier matin à Montréal n’était qu’une petite convulsion inoffensive parmi tant d’autres qui n’ont pas été ressenties et qui se sont produites ailleurs en Amérique du Nord. Outre Montréal, la région d’Oklahoma City a été frappée par deux légers séismes ces derniers jours : un premier choc de 3,3 mardi suivi d’un second de 2,9 hier. Pourtant, personne en parle, sauf moi ici.
Mais s’il fallait que la malchance de New Madrid nous arrive à nous, comment réagirions-nous devant tous ces échangeurs et ces viaducs qui joncheraient nos routes, incapables d’avoir tenu le coup?? Sans me faire prophète de malheur, je me demande si c’est peut-être de ça dont nous avons besoin collectivement pour reconstruire certaines infrastructures qui soulèvent des doutes lorsqu’on ose s’aventurer dessus ou à proximité. Il y aura peut-être des morts, mais au moins tout ça sera reconstruit à neuf.
Quand le hasard des rencontres permet d’alimenter un nouvel article…
Je suis étonnée de constater que 4,5 sur l’échelle de Richter puisse ne pas être ressentie, alors qu’à un peu plus de 7 le séisme est suffisamment violent pour provoquer des destructions et la mort de plusieurs dizaines de personnes. Je pensais qu’un petit séisme devait se situer à 1 ou 2, comme quoi, quand on n’y connait rien on se fait de fausses idées. Je n’ai jamais assisté à un tremblement de terre, mais j’imagine sans peine à quel point ce doit être effrayant, d’autant plus s’il se produit en pleine nuit, au moment où on a perdu tous ses repères.