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Jean voit promener l’amour – Les beaux yeux du Bas-du-Fleuve (partie 2)

Pour lire la première partie, cliquez ici!!

Je t’attends au Café Rimbaud

Je sais que tu ne viendras pas

J’écris dans un carnet de notes
Une mélodie au crayon feutre
Une chanson pour la radio

–  Café Rimbaud, Lucien Francoeur

Jean avait fait la connaissance des Beaux Yeux du Bas-du-Fleuve (qu’on va surnommer BYBF) via internet et il ne se doutait pas jusqu’à quel point la réalité de la vraie vie allait le rattraper vite, si vite qu’il en perdit vite tous ses moyens. Il avait fait connaissance avec BYBF alors qu’il était lui-même encore dans le Bas-du-Fleuve. Les deux s’étaient connus sur internet et demeuraient à une centaine de kilomètres l’un de l’autre jusqu’au jour où le destin est venu joueur les trouble-fête. Alors que BYBF s’apprêtait à déménager à quelque part pour les études, voilà qu’une offre de travail inattendue envoyait Jean dans ce même endroit presque en même temps. Les deux avaient d’ailleurs promis de s’y rencontrer une fois que les deux seraient arrivés dans cet endroit. Mais un mois plus tard, la rencontre n’avait toujours pas eu lieu. Jean s’en inquiétait, BYBF s’en foutait allègrement, même qu’il avait de bien bonnes raisons de le faire. Les deux étaient dans la vingtaine, mais pas au même point dans cette étape de la vie. Alors que Jean égrainait les derniers kilomètres de la sienne, celle de BYBF n’était jeune que de deux ans. Malgré tout, Jean a cru à ses chances même si elle n’existaient pas vraiment. Mais sa bonne volonté était bien inutile : BYBF avait d’autres prospects à l’oeil et Jean était à des milliards d’années-lumière d’en faire partie.  L’amour a rendu Jean si aveugle que même MIRA n’aurait rien pu faire pour lui

Un beau soir en revenant de son travail, Jean roulait sur une rue de cette ville au volant de sa minoune de la fin du siècle précédent. Alors qu’il conduisait en direction de la chambre qui lui servait de domicile temporaire, il voit déambuler sur le trottoir un individu qui semblait correspondre au profil de BYBF. Plus il s’en approchait, plus Jean se sentait bizarre. Était-ce BYBF qu’il voyait ou un autre? Il n’en fallut pas plus pour que Jean se rende à l’évidence qu’il s’agissait bel et bien de BYBF. Le soleil commençait à se préparer à se coucher et fit en sorte à ce moment-ci que les yeux de l’individu paraissent d’un bleu qu’aucun écran d’ordinateur, même le plus perfectionné, n’aurait su rendre avec perfection. Jean avait l’impression qu’un paysage du fleuve avait été emprisonné dans ses yeux tellement il était ébaubi de ce qu’il voyait dans cet instant qui lui a paru aussi long que la réalité l’a mis dans la brièveté réelle de sa durée. Pendant cet instant, Jean s’est demandé, pris entre l’arbre et l’écorce, s’il devait immobiliser son bazou, au moins pour saluer BYBF en personne. Même s’il ignorait qu’il n’avait aucune chance, Jean n’aurait-il pas été mieux au moins de s’essayer en chair et en os plutôt que de continuer à lui envoyer des homélies incongrues remplies de délires traduisant la dérape qui survenait en même temps dans les autres sphères de sa vie, au moment où la maladie frappait sans qu’il n’ait le recul pour se rendre compte que c’était ça qui le faisait se conduire d’une façon erratique et repoussante. Après tout, une salutation en personne ne vaut-elle pas mieux que tout le vide et l’artificiel que le virtuel propose déjà en surabondance? Quoiqu’il en soit, BYBF avait déjà fait son choix et Jean n’était pas dans la course. Jean avait eu beau lui envoyer des mots bien écrits et bien tournés, ceux-ci avaient sur BYBF autant d’effet qu’un coup de défibrillateur sur les cendres d’une personne déjà morte depuis longtemps. La seule réponse que Jean obtint fut un mur de silence aussi lourd et aussi évident que l’absence de mot qu’il contenait. Or, ce n’est pas parce qu’il ne se dit rien qu’il n’y a pas de message, car parfois le silence dit plus de choses que les mots et les dit parfois mieux que quand ils sont utilisés, à condition toutefois que le destinataire finisse par allumer, ce qui hélas n’arrive pas toujours aussi vite qu’espéré, si ça arrive!

Le temps passa et Jean resta malgré tout avec cette image de BYBF sur le bord du chemin, se demandant s’il devait arrêter ou non au moins pour lui parler. Comme un mauvais souvenir que le passage de la rivière du temps n’a jamais vraiment réussi à faire disparaître pour de bon dans les méandres de l’oubli, cette vision ne le hantait plus vraiment, mais restait quand même un peu présente dans son esprit. La technologie aussi a évolué pendant cette période au bout de laquelle tout le monde, y compris Jean, s’est procuré un téléphone soi-disant intelligent. Ces objets sont bien pratiques, puisqu’ils sont des mini-ordinateurs que l’on traîne sur soi. Comme bien des gens, Jean s’est téléchargé un beau jour une application qui lui permet de regarder les prospects pouvant s’apparenter à son âme sœur se trouvant dans son secteur. Mais sur ces lieux virtuels, Jean ne l’a pas facile dans cet univers de gens jeunes et beaux à en être laids d’insignifiance et de superficialité. Dans ce monde parallèle où tout le monde porte un masque, l’apparence compte plus que tout le reste, surtout quand on la prétend belle. De cette façon, tous les défauts, même les pires, peuvent être camouflés, comme si ceux qui se croient beaux pensaient qu’ils avaient la vertu miraculeuse de bien les faire passer parce qu’ils sont en possession d’un pouvoir suprême que le reste de l’Univers qui n’est pas dans leur caste ne possède pas, et que ces derniers sont des minables, des êtres inférieurs parce qu’ils n’ont pas ces attributs.

Un vendredi de mai 2013 alors qu’il revenait du travail en autobus, Jean ouvre son cellulaire et la fameuse application. Il voit apparaître les photos des gens qu’il avait salués dans l’espoir de débuter une conversation avec eux. Il voit apparaître d’autres photos d’autres gens et choisit d’en saluer quelques uns parmi ceux qui l’intéressent. En rentrant chez lui, il remarque la photo d’une de ces personnes dont les traits du visage lui rappelaient vaguement quelqu’un connu dans une vie antérieure. Justement, cette personne lui répond et Jean découvre avec surprise qu’il était en train de converser avec BYBF.  L’individu semblait avoir bien vieilli et ses yeux avaient toujours ce petit je-ne-sais-quoi qui avait tant mystifié Jean en cette soirée d’été alors que les deux étaient dans cet endroit déjà lointain dans leurs vies respectives qu’ils ont quitté pour cet endroit que le grand Victor Lévy Beaulieu surnomme dans ses œuvres « Le Grand Morial Mort » où ils vivent désormais chacun de leur bord.

Était-ce la chance inespérée que Jean avait attendu si longtemps? Jean ne le savait pas trop, même qu’il s’en foutait pas mal, étant déjà passé à autre chose dans sa vie. Mais il décida quand même de jouer le jeu, juste au cas où. Lui et BYBF ont aussitôt commencé à s’envoyer des messages textes, se demandant ce qu’ils faisaient maintenant dans leurs vies respectives, le genre de conversation banale qui survient toujours quand on renoue par hasard avec quelqu’un dont on sait très bien que cinq minutes plus tard plus rien ne se dira entre les protagonistes impliqués. Or, il ne s’est pas passé beaucoup de temps avant que cette séparation ne survienne, puisqu’après quelques messages-texte sans réponse, Jean a compris qu’il n’était pas nécessaire de pousser l’aventure plus loin…

J’ai laissé au café Rimbaud
Une page de mon carnet de notes
Je sais tu ne la liras pas
Je t’écris un space opéra
Dans un hôtel tout près du ciel
Au bout du monde en t’attendant

– Autre extrait du même Café Rimbaud de Lucien Francoeur, chanté par Gerry Boulet

http://www.youtube.com/watch?v=RXtb3cgJimM

Troisième partie un moment donné…

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