NDLR : Je n’ai pas écrit beaucoup depuis le début de la pandémie. Ce n’est pas parce que ça ne m’inspirait pas, mais plutôt parce que ce qui m’empêche d’écrire faisait trop ressentir ses effets. Dans le but d’assassiner ces blocages, voici une ébauche d’un billet inachevé.
« Humain… Cela vient de « humus », la terre. Comme le mot humilité. L’humilité, c’est pour l’homme, se souvenir qu’il est fait de terre, et qu’il sera rendu à la terre. S’il l’oublie… la Terre, un jour, le lui rappelle. »
Denis Marquet, Colère, 2000, Éditions Albin-Michel
Jeune enfant, j’aimais bien fouiller dans une pièce située au fond du passage de l’étage supérieur de la maison. Il s’y trouvait toutes sortes d’artéfacts d’une autre époque. On y trouvait des albums remplis de photos d’époque, des disques en vinyle de Beau Dommage, Burton Cummings, Gilles Valiquette et autres, de même que la robe de mariée que ma mère a portée le 8 mai 1976, date où elle a uni sa destinée à mon militaire de père, pendant que moi je poussais dans son ventre pour venir au monde au mois d’octobre suivant, aux premières lueurs du premier samedi du mois.
Il y avait aussi quelques livres que j’aimais bien feuilleter. Mon préféré était un document qui, si ma mémoire m’est fidèle, a été conçu par le ministère de la Défense nationale à Ottawa. Celui-ci avait pour but de renseigner le grand public de ce qu’il fallait faire en cas d’attaque nucléaire.
Nous étions au milieu des années 80, et ce document semblait avoir été créé une vingtaine d’années plus tôt, sans doute dans la période qui a suivi la Crise des missiles en novembre 1962, alors que l’URSS décidait de placer des armements nucléaires à Cuba, juste à côté de nos voisins du Sud. Un ballet diplomatique de dernière minute entre les États-Unis et leurs rivaux soviétiques mit fin de manière pacifique à une escalade de tension qui faillit bien vite dégénérer en conflit armé.
La Guerre froide – désignation des tensions diplomatiques et guerrières entre les États-Unis et l’URSS à partir de la fin de la Deuxième Guerre mondiale, en 1945 – entrait alors dans une phase de détente dans laquelle elle est demeurée malgré quelques turbulences occasionnelles jusqu’à l’effondrement de l’URSS en 1991. Le vieux dicton dit que si tu veux avoir la paix, il vaut mieux te préparer à la guerre, et c’est sans doute dans cette optique que ce fascinant fascicule fut créé.
On nous disait comment se comporter durant toutes les phases de l’attaque nucléaire, de l’explosion de la bombe jusqu’au moment où les retombées radioactives cessent d’être dangereuses, soit dans un délai estimé à deux semaines. On nous disait comment se protéger du souffle de l’explosion nucléaire, de la lumière et de la radiation dégagée. On nous suggérait d’avoir en tout temps du matériel périssable en quantité suffisante pour passer au travers de cette période.
On nous disait surtout d’avoir un appareil radio fonctionnant avec des piles, et de toujours l’écouter pour recevoir les informations nécessaires au suivi de la situation ainsi que les directives gouvernementales appropriées. (Dieu merci, les réseaux sociaux n’existaient pas encore. Imaginez les fausses nouvelles et les théories du complot d’aujourd’hui si elles avaient été mélangées à un contexte pareil.)