un peu n'importe quoi

Comment le multiculturalisme a peinturé la souveraineté dans un coin dont il ne sortira pas (court essai politique et sociologique)

Matin de juillet, quartier Côte-des-Neiges à Montréal, derrière ma caisse au Renaud-Bray. Il est 9h20 et comme la librairie vient d’ouvrir, le calme règne.
Sur le plancher, il n’y a que moi et deux ou trois de mes collègues affairés à leur département respectif.
Entre une cliente. Toute de noir vêtue. Drapée de la tête au pied, même du visage. Pas de doute, c’est une musulmane.
Il faut dire que dans ce quartier, c’est une chose qui est plutôt fréquente. J’ai eu un choc les deux ou trois première fois que j’en ai vu, mais à la longue j’ai fini par m’y faire.
Même si elle était drapée de la tête au pied, la femme s’en est allée dans la section papeterie, jetant un coup d’oeil sur les différents crayons et articles de cuisine qu’il y avait sur place.
Elle est restée environ une dizaine de minutes à contempler les objets comme n’importe quelle autre cliente, avant de se présenter à ma caisse.
Arrivée devant moi, j’ai pu voir que la femme avait de magnifiques yeux bleus et qu’elle s’exprimait avec douceur et un beau sourire dans la voix, sourire que je ne pouvais voir puisque le niqab de la femme m’empêchait de le remarquer.
Nous avons discuté de la pluie et du beau temps pendant une minute, le temps qu’elle complète son paiement et qu’elle descende l’escalier avant de quitter la librairie.
Une dame douce, gentille, souriante. Mais Dieu qu’elle sentait mauvais… Avec un pareil accoutrement, la chaleur de juillet devait sans doute la faire transpirer comme deux.
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Soir d’hiver, Tim Horton’s sur la rue Guy, près du métro Guy-Concordia, dans le centre-ville de Montréal.

C’est soir de grand froid hivernal et j’ai envie d’un bon thé pour me réchauffer avant de me taper les vingt-cinq minutes me séparant cet endroit de mon sous-sol de Ville Mont-Royal qui m’a servi de domicile pendant presque sept ans.
Derrière la caisse, une jolie fille sans doute originaire de l’Inde.
– Hi!, me dit-elle.
– Bonsoir!, lui répondis-je.

Elle a aussitôt figé pendant que je lui lançais ma commande en français.
Le québécois colonisé modèle aurait continué sa commande en anglais, mais n’étant pas de cette race, j’ai continué à parler à la fille en français. Après tout, je ne lui demandais rien de compliqué. Seulement un thé chaĩ et un biscuit.
Et j’étais dans mon Québec, où une loi fait du français la langue officielle.
Je n’ai pas pris un ton déplaisant, mais constatant qu’elle voulait que je sois servi dans ma langue, elle se forçait à dire quelques mots et réussissait à trouver les bons.
Finalement, j’ai pu me faire servir comme il se doit. La fille, intimidée au départ, semblait fière de son coup d’avoir pu être capable de me servir.
J’espère pour elle qu’elle a persisté, car si le français est une langue difficile à apprendre, elle ouvre de nombreux horizons.
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John English est un académicien respecté au Canada anglais. Ayant enseigné l’histoire pendant longtemps dans diverses universités en Ontario, il s’est impliqué aussi en politique, ayant été député libéral au fédéral dans la région de Kitchener pendant le premier mandat de Jean Chrétien, entre 1993 et 1997.
John English est surtout reconnu pour être l’auteur de deux massives biographies en deux tomes chacune de deux premiers ministes canadiens marquants. La première porte sur Lester-B. Pearson (que je n’ai pas lue), la deuxième sur Pierre-Elliot Trudeau (que je vous recommande sans hésitation).
Les deux livres portant sur Trudeau père sont de la grande biographie politique, au même titre que les quatre tomes de la biographie de René Lévesque, écrite par Pierre Godin, que je recommande tout aussi chaleureusement.
John English était un proche de Pierre-Elliot Trudeau, et ça lui a permis de mettre la main sur une foule d’archives inédites, qui venaient compléter une recherche fortement étoffée pour rendre dans les moindres détails chaque élément du parcours captivant de Trudeau père dans son passage sur Terre.
S’il y a une époque marquante dans la vie de Trudeau père, c’est celle qui suit la fin de ses études. Pendant plusieurs années, il a voyagé presque partout dans le monde. Fils d’un riche industriel québécois mort jeune, PET vivait modestement en se faisant héberger chez des prêtres catholiques.
Partout où il allait, PET savait s’adapter aux cultures locales, n’hésitant pas à adopter les coutumes vestimentaires des endroits qu’il visitait, même qu’il a acheté un sari indien qu’il a remis à sa mère Grace, que l’on voit en photo avec cet habit qui lui allait quand même bien.
Cette ouverture au monde, à ses habitants et aux coutumes locales allait bien lui servir plus tard dans sa vie politique. D’abord pour séduire les immigrants qui choisissent de vivre au Canada, mais aussi pour contrecarrer définitivement le nationalisme québécois.
Ayant constaté que les immigrants étaient très favorables à ses idées et à son parti, il a aussi constaté que les québécois se reproduisaient de moins en moins. Les baby boomers étant nés pendant la dernière époque où les familles nombreuses – dix enfants et plus – étaient la normale, ceux-ci ont décidé très majoritairement de ne pas faire comme leurs parents, préférant se limiter à deux, trois ou quatre enfants, tout au plus.
Après la victoire écrasante de l’option fédéraliste lors du premier référendum sur la souveraineté en 1980, il ne fallait pas que les fédéralistes s’asseoient sur leurs lauriers. Et sans doute pour laisser l’immigration contrebalancer le déclin démographique des québécois à très long terme, Trudeau père a enchassé le multiculturalisme dans la Constitution de 1982, que le Québec n’a toujours pas ratifié à ce jour.
Même si l’option souverainiste est venue bien près de l’emporter lors du référendum de 1995, elle a commencée à être cuite comme un homard dès qu’il fut question de multiculturalisme dans la Constitution.
Trudeau père a vendu aux immigrants un Canada ouvert et accueillant si bien qu’il a empêché le Québec de montrer qu’il pouvait l’être aussi.
Aujourd’hui, la souveraineté a l’air d’un ouragan en perte de vitesse sur l’Atlantique qui se dirige vers des zones nordiques où les eaux froides qui s’y trouvent ne feront que lui enlever le peu de forces qu’il lui reste sans réel espoir de rétablissement durable.
Les immigrants n’ont jamais été fortement adeptes du projet souverainistes québécois. Et les souverainistes se divisent entre eux et se nuisent entre eux, surtout du côté gauche, alors que gauche et droite devraient plutôt faire front commun pour le pays, la cause suprême qui devait passer bien devant leurs chimères solidaires autodestructrices.
Pendant ce temps, au cimetière de Saint-Rémi, Trudeau père rit en se disant qu’il a bien fini par nous avoir…

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