Ceci est le premier chapitre d’un roman que j’ai décidé de commencer d’écrire, juste pour lâcher mon fou avec des personnages particuliers impliqués dans une histoire légère. Ce serait un roman-sourire. Ceci en est le premier chapitre. J’attends votre avis avant d’écrire le deuxième, le troisième et ainsi de suite…
Bonne lecture!
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Il est 8h46 en ce mercredi matin de juillet. La vieille Mathilde se réveille difficilement. Elle avait tellement bien dormi, la pauvre vieille fille, qu’elle aurait bien aimé que sa mouffette la laisse tranquille.
La vieille Mathilde a apprivoisé une mouffette l’été dernier. C’est la seule compagnie qu’elle a dans sa vie de vieille fille. Elle élève sa mouffette dans la clandestinité la plus totale, ignorant si elle a le droit de garder une mouffette chez elle comme animal de compagnie. Elle l’a recueillie un matin semblable à celui qu’elle est en train de vivre en ce mercredi, d’une chaleur étouffante et d’une humidité si menaçante qu’elle peut faire d’un seul soulèvement d’air un orage lumineux et turbulent.
Huberthe, c’est le nom de cette mouffette que la vieille Mathilde a recueilli alors qu’elle fouillait dans ses poubelles. Elle lui a offert un abri de l’orage qui allait s’abattre sur elles. Elle se disait qu’elle allait relâcher la petite bête après la tourmente, mais elle s’en est vite amourachée et l’a gardée auprès d’elle, la nourrissant de tofu et de restants de Kraft Dinner. La vieille Mathilde a décidé de la baptiser en l’honneur de ses parents déjà décédés depuis longtemps. Elle était la fille unique d’Hubert et de Berthe Machin. Elle n’a fait que mélanger les deux prénoms pour baptiser sa mouffette.
Mais ce matin, le tonnerre gronde et a effrayé Huberte, qui s’est réveillée dès que l’orage est arrivé et qui est apeurée par chaque coup de tonnerre qui fait vibrer la vieille maison dans laquelle la vieille Mathilde vit depuis longtemps, dans le rang Double de Sainte-Hirsute-des-Filles-d’Isabelle, village qui l’a vue naître et vieillir et qui l’endure encore à ce jour.
Elle a un caractère sale, la vieille Mathilde! Vieille fille à l’apparence peu attrayante, elle n’a pas beaucoup d’amis à part sa mouffette, qu’elle trimbale partout avec elle dans le village, même quand elle va au bingo du village, l’employeur #1 de l’endroit depuis que la mine de crayon a suspendu ses activités temporairement, victime de la vive concurrence des crayons provenant du marché chinois.
Alertée par la démarche alarmée d’Huberte, la vieille Mathilde s’ouvre les yeux en regardant son animal de compagnie d’un regard assassin, elle qui n’aime vraiment pas se faire réveiller de la sorte. Après avoir vu l’heure et après avoir constaté qu’elle ne pourrait pas se rendormir, la vieille Mathilde saisit son verre à dentiers de la table de chevet et retire ses dents de l’eau de javel dans laquelle elles ont passé la nuit.
Ensuite, elle soulève sa carcasse de soixantenaire obèse et prends les premiers vêtements qui lui tombent sous la main, avant de se maquiller un peu le visage en cachant ses rides avec un peu de Polyfilla.
« J’irai déjeuner au resto avec Zarathoustra » se dit-elle, saisissant son téléphone de la main gauche et lâchant un coup de fil à sa voisine, l’une de ses très rares amies.
Zarathoustra Ravibreur était une vieille fille comme la vieille Mathilde. Plus jeune de vingt ans que sa voisine, elle avait toutefois le même caractère de chien. Elle est aussi l’une des rares dans tout Sainte-Hirsute-des-Filles-d’Isabelle à pouvoir endurer l’odeur de la vieille Mathilde.
Il faut dire qu’elle avait perdu l’usage de l’odorat il y a de ça belle lurette, un soir où le vieux Chris Dostie, un de ses amis d’enfance et une personnalité bien en vue à Sainte-Hirsute-des-Filles-d’Isabelle, a voulu lui faire faire un saut alors qu’elle dégustait ses crottes de nez, son plat préféré.
Zarathoustra s’enfonçait l’index jusqu’au plus profond des cavités de son nez au moment où le vieux Chris Dostie est arrivé derrière elle en lui criant « Smoked meat! ». Zarathoustra a sursauté avec une telle violence que son index s’est enfoncé dans les terminaisons nerveuses de son nez, les endommageant gravement et ayant provoqué une hémorragie qui aurait pu la tuer sur place.
Mais le vieux Chris Dostie avait bon cœur et a été capable de se racheter en appliquant sur Zara – ainsi la surnomme-t-on à Sainte-Hirsute-des-Filles-d’Isabelle – un Shamwow! Zara en a toujours été reconnaissante au vieux Chris Dostie et leur amitié a survécu à cet épisode douloureux.
– Zara?, dit la vieille Mathilde au téléphone.
– C’est qui qui parle? dit Zara.
– C’est moé!
– Qui ça, moé?
– Ben c’est toé qui me parles parce que j’ai décidé de t’appeler.
– Hein! Chu pas réveillée! Faut pas trop me demander d’efforts quand la journée commence.
– C’est la vieille Mathilde, ta voisine!
– Ah! Ciboère! Excuse-moé! T’avais pas reconnu!
Ainsi parlait Zarathoustra, elle et ses chroniques problèmes de mémoire.
– Ça te tente-tu d’aller déjeuner au resto? demanda la vieille Mathilde à sa voisine.
– Ouais… J’m’habille pis on y va.
– Ok, j’arrive dans cinq minutes!
La vieille Mathilde revêtit alors son habit d’homme-grenouille et arriva chez Zarathoustra à l’heure prévue, laissant la mouffette s’exciter dans le salon pendant que l’orage commençait à montrer peu à peu de sa puissance réelle dans ce coin du rang Double de Sainte-Hirsute-des-Filles-d’Isabelle.
La pluie était si intense et le vent si fort que la vieille Mathilde eut à nager contre le vent pour finalement arriver chez Zarathoustra. L’orage frappait encore très fort quand la vieille Mathilde frappa à la porte de son amie. De son côté, Zara était cachée sous sa table et eut de la difficulté à démêler les sons des coups de tonnerre des coups que la vieille Mathilde portait à sa porte, elle qui cognait toujours très fort sur les portes des maisons qu’elle visitait.
– Non, monsieur le tonnerre, y’a parsonne qui vit icitte. Va-t’en chez vous!, cria Zarathoustra à l’orage, qui n’en avait rien à foutre de ses récriminations et qui redoublait d’intensité.
– C’est moé, osti!, déclara la vieille Mathilde.
– Ah! C’est toé! Vite, rentre pis déshabille-toé!
La vieille Mathilde s’exécuta et se déshabilla entièrement nue devant son amie.
– J’t’ai dit de juste enlever ton habit d’homme-grenouille, maudite épaisse! T’es déjà pas belle en partant, rajoutes-en pas!, dit Zarathoustra à son amie.
Les deux se parlaient souvent en gros termes dits très fort, mais cela n’affectait en rien leur amitié.
– Je l’sais bien que tu voulais juste que j’enlève mon habit. J’voulais juste faire une farce!, déclara la vieille Mathilde à son amie.
Même si Zarathoustra ne trouvait pas drôle la blague impromptue de son amie, la laideur de la vieille Mathilde sembla calmer les éléments et l’orage cessa presque aussitôt. Cependant, le soleil garda un peu de nuages pour rester caché derrière eux, pendant que la vieille Mathilde se rhabillait et qu’elle et son amie prennent le chemin du restaurant Au bon Manger, le seul restaurant de Sainte-Hirsute-des-Filles-d’Isabelle.