Samedi après-midi, passé 13 heures. J’ai besoin de me changer les idées et j’ai faim. Je décide d’un coup de tête d’emporter avec moi mon ordinateur portable, puisque j’ai décidé de m’avancer dans mon récit clauderyanesque. Juste avant de quitter mon appartement, un autre coup de tête me fauche l’esprit. J’ai emprunté un livre de Dany Laferrière à la Bibliothèque nationale du Québec, intitulé « Cette grenade dans la main du jeune Nègre est-elle une arme ou un fruit? », sous recommandation de Marc Lajambe, un blogueur lui aussi tout comme moi.
Après que j’aie parlé ici de « Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer », Marc est venu me voir pour me recommander le livre dont je vous parlais, que j’ai emprunté à la Bibliothèque nationale du Québec la semaine dernière avec deux autres titres, soit un recueil d’anecdotes impliquant Winston Churchill – un type dont je veux absolument lire la biographie – et les mémoires de Victor-Lévy Beaulieu. Ayant déjà lu la moitié à ce moment précis le truc sur Winston Churchill – que j’ai terminé aujourd’hui et que j’ai retourné aussitôt —, je n’avais pas prévu lire tout de suite le livre de Dany Laferrière.
Cependant, j’avais besoin de lecture, car j’avais beaucoup d’autobus à faire et le livre de Dany Laferrière a été le premier qui s’est pointé dans mon champ de vision et je suis parti avec sans savoir si j’allais aimer ça ou non.
Je devais être dans l’autobus 211 en direction du terminus Dorval, à bord d’un pachyderme bleu et blanc de la Société de Transport de Montréal qui déchirait les rafales remplies de neige qui sévissaient à un moment où l’hiver tentait une rude contre-attaque contre ce printemps qui est pourtant bien commencé, mais qui n’a pas encore imposé ses assises. J’ai ouvert le livre et je suis tombé dedans comme un maringouin dans une mare de sang.
Encore une fois, Dany Laferrière est venu me chercher là où je m’y attendais le moins. Dans « Cette grenade dans la main du jeune Nègre est-elle une arme ou un fruit? », on le voit parcourir les États-Unis, vivant des choses et les racontant à sa manière, tout ça à partir d’une commande qu’il a reçu d’un magazine quelconque.
J’ai lu les 150 premières pages et le reste s’annonce drôlement enivrant. Mais plusieurs choses ont attiré mon attention.
D’abord, Dany Laferrière écrit huit heures par jour sur sa Remington 22, une machine à écrire. Je ne saurais dire s’il écrit encore autant avec le même instrument, mais la durée de ses séances m’impressionne et l’ardeur qu’il y met aussi, lui qui disait vouloir être le Carl Lewis de l’écriture. Il tapait huit heures par jour et ne faisait que ça pendant tout ce temps, enchaînant le tout en un train d’enfer.
C’est un méchant coup de pied au derrière du grand paresseux que je suis. Pourtant, j’ai déjà été capable de le faire à mon arrivée à Montréal, en 2007. J’avais écrit un roman d’une centaine de feuillets que je ne pourrais pas publier tel quel, et je l’écrivais un peu en forme de prose spontanée sans même savoir ce que c’était, car je n’avais rien lu de Jack Kerouac encore à ce moment.
Aujourd’hui, je me considère comme un écrivain qui a des choses à prouver, surtout à lui-même. Tout me ralentit, surtout le doute. Pourtant, foncer est la seule façon d’en venir à bout et je ne fonce pas. Et pourtant, je n’ai pas de Remington 22, mais un ordinateur portable
J’ai déjà eu une machine à écrire. J’étais tout jeune et je l’avais dans ma chambre et je m’amusais avec, surtout pendant les semaines de relâche de mon enfance. Ma mère avait vu que j’aimais ça écrire avec elle, et je l’ai eue pendant longtemps dans ma chambre, ne me souvenant plus de quelle marque elle était.
Je vous avoue d’une part qu’elle me manque, car le bruit des lettres qui frappent le papier était comme de la musique pour mes oreilles d’adolescent. Mais d’autre part, je vous avoue que j’aime bien mieux la technologie moderne pour écrire, car un ordinateur portable se traîne beaucoup mieux qu’une machine à écrire.
Je déteste écrire de chez moi. Quand je le fais, c’est toujours à partir d’un café. J’aime bien aller sur la rue Masson à la Brûlerie Saint-Denis, sur Côte-des-Neiges au Second Cup à côté de mon ancien lieu de travail, ce Renaud-Bray où j’ai déjà croisé Dany Laferrière sans que j’aie pu lui adresser la parole, chose que j’espère faire un jour.
J’aime aussi trimballer ma machine et mes idées dans un Tim Horton’s sur le Chemin de la Côte-de-Liesse, en parallèle avec l’une des pistes de l’aéroport, proche de là où j’aime bien voir décoller les avions en été. C’est d’ailleurs là où je suis allé hier. Les Tim Horton’s sont en général des endroits très mal entretenus, mais celui-ci ne l’est pas. Il est tout neuf et est très bien entretenu. En plus, il est d’une tranquillité inspirante.
Mais mon endroit de prédilection préféré demeure l’aéroport Pierre-Elliot Trudeau, endroit de départ de tous ces voyages que je n’ai pas encore fait et que je veux faire, coûte que coûte, grand passionné de voyages et d’aviation que je suis, qui ne s’est présenté jusqu’à maintenant qu’à une reprise, la fois où je me suis présenté à Pierre-Elliot Trudeau pour assoir mon gros cul dans le gros cul d’un Boeing 747 fabriqué en 1991 qui m’a amené à Paris pour y vivre deux semaines d’extase avant de rassoir mon gros cul dans le gros cul d’un autre Boeing 747 qui m’a ramené à Montréal en pleine tempête automnale et après sept heures de vol ponctuées de turbulences qui effrayaient le voyageur en avion inexpérimenté que j’étais.
J’aimerais bien pouvoir écrire de chez moi, sauf que je ne peux pas comme je le voudrais. Quand je le fais, je m’installe sur ma table de cuisine, qui ne donne aucune vue sinon sur le mur blanc à ma droite. J’aimerais bien pouvoir le faire de mon salon pour bénéficier de la vue sur ma rue, mais je n’ai pas de bureau pour le moment.
Ah! Si seulement j’avais un bureau dans mon salon! Pour le moment, mon gros ordinateur a son écran installé sur une chaise de table pendant que le reste se tient pêle-mêle sur le plancher, me laissant dans une position d’écriture plutôt inconfortable. Bientôt, je m’en paierai un, usagé, et je mettrai des plantes dans mon salon.
Ça sera beau, ça fera vivant. Ça sera sans doute inspirant.
Allez écris, Jean, écris! Ton avenir en dépend…
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