J’aime Longueuil

Chaque jeudi soir, le destin me fait sortir de Montréal, le temps d’un approfondissement de connaissances. Je prends la ligne de métro que je ne prends jamais, mais qui a fait partie de mon quotidien lors de mon premier séjour en région montréalaise, d’août 2001 à septembre 2002, avant que j’aille faire jouer des annonces de disques de Gervaise Cloutier à la radio de Dolbeau-Mistassini.
Je prends donc la ligne jaune, je traverse le fleuve et ressort de l’autre côté, délaissant mon insularité montréalaise et me fondant à travers cette foule que les Montréalais regardent parfois de haut en la surnommant « peuplade du 450 ». Je ne partage pas toutefois ce mépris qui n’a rien de méprisant, mais qui est plutôt un ingrédient d’une rivalité régionale, un peu comme celle entre le Saguenay et le lac Saint-Jean, l’Abitibi et le Témiscamingue, Hearst et Kapuskasing, Rivière-du-Loup et Rimouski, etc.
Je suis bien mal placé pour mépriser le 450, même amicalement. J’ai vécu à Longueuil pendant un an, j’ai appris à faire de la radio à Laprairie, je me suis fait une voix à Châteauguay, Saint-Jean-sur-Richelieu et Saint-Rémi, où je me suis même déjà permis de refaire résonner ma voix de stentor par un deuxième séjour sur les ondes de la radio locale.
Bref, tout ce préambule pour me faire réaliser que je ne sors pas assez souvent de Montréal, et c’est dans ce temps-là que je m’ennuie d’avoir une voiture. J’en ai eu trois dans ma vie, la première quatre mois, la deuxième deux mois, la troisième cinq ans, et cette dernière a été d’une certaine façon ma première vraie voiture, compte tenu du fait que je n’ai pas possédé les deux premières bien longtemps.
Je n’ai jamais eu de voiture neuve, je n’ai eu que des usagées. Ma première voiture a été une Ford Escort 1990 et je l’ai achetée d’un garagiste moron de Longueuil. C’était en novembre 2001 et j’ai dû la retourner à son garagiste en mars 2002, faute d’argent.
J’ai acheté ma troisième en mars 2004, une Dodge Shadow 1992 avec 225 000 kilomètres à l’odomètre et qui sentait la cigarette. Elle a rendu l’âme deux mois plus tard, mais elle m’a permis de faire énormément de kilométrage en dépit du fait qu’elle brûlait son huile à moteur à mesure, faisant se soulever à chaque feu rouge un nuage noir qui s’élevait du capot.
J’ai quitté ma vie de chômeur falardien et d’animateur de matin de fin de semaine à l’antenne de KYK-FM, à Alma, pour devenir l’animateur du matin à la radio communautaire francophone de Kapuskasing, dans le magnifique nord de l’Ontario, rempli de gens dynamiques et chaleureux. J’ai dû faire 3000 kilomètres au volant de cette voiture qui a connu une belle fin de vie, avec toutes ces randonnées que j’ai faites avec elle. La dernière, quatre ou cinq jours avant que son moteur ne lâche, a été un aller-retour entre Kapuskasing et Hearst, autre fief francophone du nord de l’Ontario.
J’ai acheté ma troisième voiture, une Oldsmobile Alero 1999, le 5 mai 2005, deux mois après être revenu en camion U-haul du nord de l’Ontario, tout de suite avant d’aller faire de la radio à Rivière-du-Loup. Je l’ai envoyée à la ferraille le 5 mai 2010, ayant besoin de réparations trop onéreuses pour le caissier de librairie que j’étais devenu entretemps.
Pour en revenir à Longueuil, je suis demeuré un an dans un appartement deux pièces et demie, sur la rue Notre-Dame-de-Grâce, à quelques minutes d’autobus du métro. J’ai signé le bail le lendemain des attentats du 11 septembre 2001, et ai quitté un an après dans des circonstances déjà racontées en début de texte.
J’ai bien aimé Longueuil, un endroit familial et chaleureux, où l’on peut bien vivre sans que cela nous coûte un bras. Et chaque jeudi soir, ce sont ces souvenirs qui me reviennent à l’esprit quand je viens pour enrichir ma culture dans un petit pavillon situé dans une grosse tour tout près du métro…
Dommage que j’ai à payer 3,25 $ pour prendre le métro pour m’en retourner chez moi-même si j’ai ma passe mensuelle de la STM… Drôle de réalité tout de même!