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Comment lire Dany Laferrière sans s’en fatiguer

Je n’avais pas prévu consacrer mon premier billet de 2015 à la littérature, mais plutôt sur un truc plus familial et personnel, un hommage du genre de ceux que beaucoup ont aimé sur ce blogue au cours de 2014. Ça attendra finalement…
Ça attendra car je viens de faire une de ces lectures dont je ne savais pas jusqu’à quel point cette dernière allait m’allumer et changer certaines choses en moi dont je ne saurais ici faire la liste.
Il m’est arrivé quelques fois dans ma carrière de caissier de librairie chez Renaud-Bray de croiser l’auteur Dany Laferrière. Je ne lui ai jamais parlé. Il entrait et sortait de la librairie, sans doute curieux de voir sur le terrain comment ses livres étaient présentés à la clientèle, je ne sais pas. Toujours est-il que l’arrivée en magasin de chacun de ses ouvrages était toujours un événement en soi, et que chaque nouvel ouvrage de lui se taillait assez rapidement une place dans la tête de notre palmarès, place qu’il occupait pendant de longues semaines, même que cela permettait aussi à ses ouvrages plus anciens d’avoir une nouvelle vie sur les palmarès de ventes de livres.
Dans ma vie de disquaire et d’animateur de radio, il m’arrivait souvent de constater pareil phénomène chez les vedettes du rock, Coldplay par exemple. Chaque fois que Coldplay lance un album, ce dernier se place en tête des palmarès et les albums précédents du groupe reviennent aussi dans les palmarès. Pourtant, Dany Laferrière ne semble pas avoir un ego de rock star. Je le voyais passer simplement, sans faire de vague ni faire la grosse tête. Il faisait sa petite affaire, laissant la qualité de son travail faire le reste. Et quand un client le saluait, il lui rendait la pareille. Un homme simple. Du moins, c’est l’impression que j’en ai.
J’ai connu Dany Laferrière en 1986. J’étais ti-cul et j’étais émerveillé de la naissance de TQS, ce nouveau réseau qui bouleversait mes habitudes télévisuelles dans le fond de mon rang 2 où l’on ne captait que deux postes et demi. Niché dans un endroit en ligne directe avec l’antenne émettrice des monts Valin, là où sont émis les signaux de presque toutes les stations de télé et de radio au Saguenay-Lac-Saint-Jean, je pouvais déjà capter sans problème Télé-Québec et CKRS-TV, la télé locale affiliée à Radio-Canada. À cela s’est rajouté CFRS-TV, une autre station locale, jumelle de CKRS-TV, qui diffusait le signal du nouveau réseau TQS. Cela faisait trois postes. Quant au demi-poste, c’était CJPM-TV, la station saguenéenne de TVA, qui diffusait d’une autre antenne, située sur le mont Sainte-Claire, en plein cœur de la ville de Chicoutimi. Les studios de CJPM se trouvent d’ailleurs au pied de cette antenne, où on a une vue sans pareil de la ville. Cependant, comme cette antenne se trouve trop basse par rapport à mon fond de rang 2 de Saint-David-de-Falardeau, le signal était embrouillé d’un blizzard de particules blanches qui faisait neiger la télé même en été.
Mais pour en revenir à Dany Laferrière, il a été le premier noir que l’on a vu faire la météo. Il sortait dans la rue et laissait aller son imagination à sa guise. Remplies d’humour et d’authenticité, les météos de Dany Laferrière étaient parmi ce que j’aimais le plus regarder de cette nouvelle télé, avec les rencontres de mes Nordiques de Québec et les émissions de Rock et Belles Oreilles.
C’est à ça que je pensais chaque fois que je voyais Dany Laferrière, sauf que je n’avais jamais osé jusqu’à ce jour lire un seul de ses livres. À la longue, je me suis mis à me sentir coupable de ne pas l’avoir fait, et maintenant que j’ai osé le faire, le seul regret que j’ai – et il est terriblement lourd – est de ne pas l’avoir fait avant.
J’ai donc décidé de plonger dans « Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer » sans trop savoir à quoi m’en tenir. Je suis sorti de cette expérience conquis et transformé. Un livre simple, délicieux, rempli de références au sexe, à Montréal, au jazz, au Coran et aux différents plaisirs, dont celui de lire et d’écrire. Une manière de raconter précise, épicée, stylée, agréable. Un premier jalon d’une œuvre qui a mené Dany Laferrière plus loin que ses rêves les plus fous avaient imaginé. Et surtout, un témoignage qui prouve qu’on peut vivre heureux quand on ne vit pas riche, à condition que ça ne dure pas trop longtemps. C’est d’ailleurs en écrivant ce roman que Dany Laferrière – qui était journaliste dans son Haïti natale avant de fuir le régime Duvalier vers Montréal, en 1976 – s’est sorti du cycle des emplois divers au salaire minimum, qu’il a pratiqué de son arrivée chez nous jusqu’à la parution de son premier roman, en écrivant.
Peut-être devrais-je faire pareil, qui sait?

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