Dimanche 28 septembre 2014. C’est un dimanche soir et je suis à l’aéroport Montréal-Trudeau pour y écrire comme je le fais à certaines occasions comme ce soir, sauf qu’aujourd’hui c’est spécial.
À pareil moment, il y a de ça deux ans jour pour jour, vendredi 28 septembre 2012, j’avais le cul assis dans le derrière d’un avion au gros cul, un vieux Boeing 747 âgé d’une vingtaine d’années, propriété d’une compagnie française qui aime bien acheter des vieux coucous expérimentés, en route du même aéroport où je suis présentement pour celui que Jacques Brel a chanté, celui d’Orly, le même où Jack Kerouac a manqué un avion pour Londres, l’avion étant parti sans Jack alors qu’il était allé faire pipi en attendant le décollage.
Après avoir observé tellement de décollages le long des pistes de l’aéroport Montréal-Trudeau, j’avais enfin la chance d’en vivre un moi-même. Mais avant de décoller, il fallait me rendre à l’aéroport, chose qui n’a pas été de tout repos. Il me fallait attendre mon sac à dos, que j’avais fait réparer au Saguenay, et dont le réparateur avait prévu me le retourner par messagerie privée. J’ai donc passé la journée à faire le pied de grue devant chez moi, espérant que chaque truck de FedEx arrête devant chez moi, chose qui n’a fini par se faire qu’à l’heure où j’avais prévu quitter pour l’aéroport via le train de banlieue qui passait près de là où je demeurais à l’époque. Une fois ce sac arrivé, j’ai pu terminer mes bagages, manger un petit goûter au Tim Horton’s à côté de chez moi et prendre le métro pour rejoindre l’autobus qui allait me mener à l’aéroport. Mais avant d’aller dans le métro avec mon bordel, il me fallait aller à la bibliothèque pour y laisser un livre de Victor-Lévy Beaulieu que j’avais terminé la veille.
Une fois le livre déposé dans une chute à livres de la bibliothèque située proche du métro Côte-des-Neiges, je me suis engouffré avec mes bagages dans les entrailles de Montréal, me farcissant un changement de ligne et un trafic d’enfer à l’aéroport, qui me fit arriver un peu plus de trente minutes avant l’heure limite pour m’enregistrer au comptoir de la compagnie aérienne Corsair.
Étant venu à quelques occasions avant ce jour à l’aéroport, je savais où était ce fameux comptoir, sauf qu’il venait tout juste de déménager à un autre endroit, ce qui m’a déstabilisé un brin. Finalement, j’ai pu m’enregistrer, laisser mes bagages et faire la file pour les contrôles de sécurité.
Une fois ceux-ci derrière, je me suis aussitôt senti comme l’enfant en bas âge qui s’était perdu dans l’aéroport de Mirabel et qui avait forcé ses parents à le chercher partout pour le retrouver. J’étais émerveillé de voir de plus près ces oiseaux d’acier et d’aluminium que je voyais passer chaque jour au dessus de ma tête. Mais j’étais nerveux!
Dans le corridor qui m’a mené dans mon avion, j’étais très fébrile à l’idée d’enfin pénétrer une cathédrale inaccessible pour moi jusqu’à ce jour. C’est vrai que ce n’est qu’une cabine d’avion, que des milliers de personnes embarquent dans des centaines de cabines d’avion par jour, que c’est dans le fond quelque chose de très banal, mais quand c’est fait par un amateur d’aviation qui n’avait jamais volé jusqu’à ce jour, cela revêt pour lui une importance spéciale, un truc dont il se souviendra jusqu’à la fin de ses jours, même s’il revole encore plusieurs fois après celle-là.
Dès que l’avion a quitté le terminal pour aller en bout de piste, je sentais que c’était du sérieux. J’entendais le hurlement des moteurs augmenter au fur et à mesure que l’on s’avançait sur la piste, dont les lumières la bordant lui donnait des allures de route issue d’un jeu vidéo. Dès que l’avion s’est élevé par dessus la piste, j’avais le regard collé sur mon hublot, regardant le sol s’éloigner, ayant du plaisir à reconnaître tous ces endroits que je survolais. L’échangeur des autoroutes 13 et 40, Ville Saint-Laurent, Ville Mont-Royal, l’est de Montréal, Longueuil, etc. Ensuite, je suivais sur écran ces endroits qui étaient à dix kilomètres sous mes pieds, trop bas pour que je puisse les reconnaître. Granby, Sherbrooke, le nord du Maine, le centre du Nouveau-Brunswick, Moncton. Juste avant de franchir Terre-Neuve, l’équipage de l’avion a remplacé la carte que je fixais par un film. N’ayant pas sommeil, je me suis mis à lire le livre d’un auteur de mon village, Jean-Michel Claveau, intitulé « Les dessous de la famille Houde », lecture qui m’occupa pendant un bon 90 minutes. Après ma lecture, n’ayant toujours pas sommeil, je regardai par mon hublot la lune qui illuminait l’Atlantique. C’était d’une émouvante beauté. Le vol eut peu de turbulences et nous avons atterri vers 8h35 le lendemain matin à Orly, où m’attendait mon frère.
Une fois les douanes passées et une fois arrivé chez mon frère, il ne me restait plus qu’à subir les affres du décalage horaire pour qu’enfin commence ces deux semaines merveilleuses à errer dans Paris sans contrainte.
Deux ans plus tard, je suis à Montréal à vous raconter ça, priant le ciel pour que ça se reproduise de nouveau bientôt…