Un peu plus de trois mois ont passé depuis ce jour où j’ai quitté ma caisse de librairie pour me lancer dans le vide absolu des tumultes que prennent la vie quand on ne sait pas trop où elle va nous mener. Jamais je n’ai regretté ma décision, même si des périodes très difficiles ont eu lieu, me forçant à changer de stratégie et à faire des renoncements nécessaires pour parvenir à être un jour mon propre patron. Sans entrer dans les détails – il faut bien que je m’en garde un peu pour moi, après tout –, disons que les premières semaines de l’expérience ont eu plus des allures de traversée du désert que le début d’une période de prospérité. Mais ce n’est pas parce que le but n’est pas bon, pas noble ou pas atteignable qu’il ne faut pas changer de moyens et de stratégies pour y parvenir, car les factures s’accumulent et grossissent pendant que Stephen Harper se décide – enfin! — à m’envoyer son – insuffisant, mais c’était prévisible – chômage après de très longues semaines de branlage dans le manche.
Justement, parlant de chômage et de musique, dans cette période où je ne peux pas m’acheter de nouvelle musique, j’en profite pour redécouvrir celle que j’ai déjà. Avec près de 1000 disques accumulés depuis le 23 septembre 1994 – date où j’ai acheté mon premier —. L’une des ritournelles que j’ai le plus aimé entendre cet été est celle de Félix Leclerc dans laquelle il dit que la meilleure façon de tuer un homme est de le payer pour ne rien faire. Il a raison, notre Félix national! La vie de chômeur est une façon de se tuer à petit feu. Quand on attend qu’il commence à rentrer, on se sent misérable, on se mange par en dedans. Et quand il entre enfin, on ne se sent soulagé qu’à moitié, car ce n’est pas assez pour bien vivre. Et il faut déclarer chaque sou qui rentre, qui se fait couper du maigre montant qu’on retire déjà. Une bien désagréable expérience qu’il me faut mettre fin dès que possible. Comme l’obtention de contrats s’avère aussi problématique que rarissime, je n’ai pas d’autre choix que de revenir au travail alimentaire, mais pas à n’importe quelle condition – pas de restaurant-minute, ni de Wal-Mart, ni de dépanneur pour moi svp! Y’a quand même des limites! – . « Money talks! » aussi fort à mes oreilles que si Metallica me jouait « Master of Puppets » avec le plus puissant amplificateur à deux mètres du visage. J’aime mieux gagner de l’argent comme je veux, n’étant pas très chaud à l’idée de voir Stephen Harper me couper mon chômage parce que je fais trop d’argent à temps partiel à ses yeux…
Outre les récriminations de Félix Leclerc sur le chômage, je me suis surpris à redécouvrir les albums d’Harmonium et le dernier de Serge Fiori, tous achetés avant le chômage… J’ai acheté les trois albums d’Harmonium de feu la Maison Columbia, entre 2000 et 2002, alors que j’ai acheté le nouveau disque de Serge Fiori quelque temps après sa sortie, en mars dernier. C’est de la musique réconfortante et intemporelle, avec une poésie encourageante. J’ai beaucoup écouté « L’heptade » ces derniers jours, un album qui est venu me chercher d’une façon bien particulière. C’est un disque qui raconte l’évolution d’un homme à travers les sept niveaux de conscience. Ça pourrait aussi raconter mon histoire, celle d’un homme qui décide d’accéder à un niveau de vie supérieur, et qui raconte son parcours, ses obstacles, ses propres résistances, l’objection de son entourage, et qui finit par y accéder en toute sagesse. Sorti en 1976, le même jour où René Lévesque est devenu premier ministre du Québec, un mois et demi après ma naissance, plusieurs considèrent ce disque comme l’un des meilleurs jamais fait au Québec, mariage de rock, de folk et de musique classique. Une œuvre majeure que l’on ne peut pas détester!
J’ai aussi redécouvert l’album « The Wall » de Pink Floyd, un disque qui parle d’isolement et de folie, un sentiment qui m’a souvent habité pendant ces longues semaines où aucun argent ne rentrait. C’est défoulant d’écouter de la musique qui sent comme on se sent dans ces moments sombres…
N’ayant pas d’argent à investir non plus dans les livres, j’ai complété différents livres que j’avais déjà, des livres de Jack Kerouac et William Burroughs. J’ai essayé de lire du Kafka, mais je le trouve vraiment ennuyeux…
C’est dans ce temps-là que je suis content d’avoir la Bibliothèque nationale du Québec pour venir à ma rescousse. J’y ai emprunté des livres de Victor-Lévy Beaulieu. Je viens d’achever « Je m’ennuie de Michèle Viroly », un drôle de récit racontant les déboires en minuscule d’un ex-champion de quilles devenu infirme après un accident de voiture. Le narrateur déforme les mots de manière délicieuse et poétique, mais ce n’est toutefois pas le meilleur cru de VLB. L’autre livre que j’ai pris, c’est « Mémoire d’outre-tonneau », le premier roman publié par l’auteur de Trois-Pistoles, un homme que je prends comme l’un de mes modèles d’écriture.
Malgré le chômage, je me cultive quand même et j’écris quand même, car j’ai découvert en alimentant ce blogue que mon véritable métier est celui d’écrivain. Je cherche d’ailleurs un emploi d’écrivain, mais je n’en vois pas sur le site d’Emplois Québec zzzz….
J’aime bien votre histoire de vie ! J’espère pouvoir vous rencontrer quand je serai au Québec !