Blogue au thon

Bons baisers du parc des Laurentides

Je dois vous avouer quelque chose : j’ai toujours beaucoup aimé traverser la route du Parc des Laurentides, cette magnifique presque-autoroute qui relie Québec et le Saguenay.
Quand j’étais plus jeune, c’était plus long faire cette route, qui était aussi beaucoup plus dangereuse, surtout en hiver. Il n’y avait qu’une seule et unique chaussée, ce n’était pas possible d’effectuer des dépassements partout et des microclimats sévissant à certains endroits précis avaient le don de gâcher en un éclair les conditions routières et de les rendre encore plus dangereuses que jamais.
Rajoutez à ça la témérité de nombre de conducteurs qui écrasent leur accélérateur à des endroits dangereux et qui prennent des risques et vous avez tous les ingrédients pour faire de cette artère une route de la mort.
D’ailleurs, plusieurs surnoms ont été attribués à la route du Parc des Laurentides : la route de la mort et le boulevard des coroners étant ceux dont je me souviens le plus.
Quand j’ai commencé à conduire, j’avais quand même hâte d’effectuer ma première traversée du Parc des Laurentides, chose que j’ai pu faire en septembre 1998. De jeune passager ébaubi par les paysages grandioses de cette route, je suis devenu un conducteur qui avait un vilain plaisir à circuler dessus, notamment en raison de tous ces défis que la dangerosité de cette route exigeait.
Au fur et à mesure que se sont effectuées mes traversées du Parc en tant que conducteur, je me suis mis à redouter deux endroits. D’abord, le kilomètre 108. En provenance de Québec, la route longe un lac et monte ensuite une côte qui se termine par un brusque virage à gauche. C’était l’un des endroits où il y avait le plus souvent des accidents mortels, tout comme l’autre endroit qui me foutait la trouille, les fameuses courbes situées juste au nord de la halte routière de L’Étape. Négociées à haute vitesse, la moindre fausse-manœuvre pouvait s’avérer fatale, surtout si un camion s’en venait dans l’autre direction. Encore une fois, beaucoup d’accidents se sont produits dans ces fameuses courbes.
Il aura fallu d’ailleurs beaucoup de morts et de pressions politiques pour que les choses finissent par changer. L’idée d’un lien autoroutier entre le Saguenay et Québec date d’ailleurs des années 70. Des assemblées, des pétitions et des gestes d’éclats ont été posés dans l’indifférence politique la plus pure pendant combien d’années avant qu’on commence à parler de faire la belle quasi-autoroute sur laquelle nous circulons aujourd’hui!
Autant traverser le Parc des Laurentides pouvait être stressant il y a dix, vingt ou trente ans, autant c’est presque un jeu d’enfants de le faire maintenant. Le terre-plein en plein milieu de la route élimine le risque de collision frontale tandis que les clôtures, posées sur le long d’une bonne partie du trajet, empêchent les collisions avec la grande faune, celle-ci bénéficiant maintenant d’aménagements spéciaux situés sous la chaussée pour qu’ils puissent la traverser en toute sécurité.
Outre ce qui la rendait difficile et exigeante, ce boulevard de la mort avait quand même quelques charmes : ses paysages, sa faune – du moment qu’elle ne s’approchait pas trop de la chaussée – et son air frais, fort agréable en été, même si les insectes y sont toutefois abondants.
J’aimais bien approcher l’intersection de la route 169, qui mène vers le Lac-Saint-Jean. La nuit, ses lampadaires avaient le don de nous sécuriser et de nous dire que nous n’étions plus qu’à moins d’une heure d’arriver à la maison.
J’aimais aussi aller à la halte routière de l’Étape, ouverte 24 heures à longueur d’année. J’y ai souvenir des nombreuses machines distributrices qui la composaient, des toilettes mal entretenues qu’on y retrouvait, de la nourriture pas toujours bonne qui y était servie, des dizaines de gommes étampées sur l’asphalte du stationnement et de « Let’em In » de Paul McCartney jouée par un orchestre philharmonique du fond du Dakota du Nord qui jouait à 150 décibels dans les haut-parleurs.
En septembre 2003, tout ça est passé au feu dans un mémorable incendie. L’animateur André Arthur, qui détestait cet endroit comme la peste, ne s’est pas gêné pour danser sur sa tombe dans son émission de radio matinale le matin du sinistre. Le tout fait maintenant place à un magnifique bâtiment en bois où c’est beaucoup plus clair de circuler, où la nourriture est savoureuse, où l’on peut faire ses besoins dans la propreté.
C’est un peu à l’image de la route qu’elle longe et qui lui donne une raison d’être utile, car il lui aura fallu un sinistre pour qu’on en ait une version améliorée.

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