Je suis venu à Falardeau une première fois ce printemps, et l’une des choses que j’ai remarquées en premier, c’est qu’une section de mon rang 2 avait été réasphaltée sur une bonne distance.
Aussitôt arrivé tard jeudi soir, ma mère m’a informé qu’une autre section du rang allait subir le même sort, celle-ci allait inclure la partie du rang qui passe devant la maison de mon enfance, où je me trouve encore, laissant glisser mes doigts sur les touches du clavier de mon ordinateur portatif, désireux de poursuivre ce marathon d’écriture de billets de + ou – 750 mots à chaque jour, et de rajouter le plus de mots possible afin de m’aider à atteindre cet objectif dont je vous ai déjà parlé et dont je cesse – du moins pour cette phrase – de continuer à le faire puisque ça me détourne de ce dont j’ai envie de vous jaser.
Quand j’étais jeune enfant, je me souviens des premiers temps dans cette maison où mes parents habitent encore. Je me souviens de la salle de bain qui était là où se trouve le lave-vaisselle, et qui a aussi servi d’endroit où l’on mettait laveuse et sécheuse, une fois que la maison a été achetée et que la petite famille y a emménagé.
À ce moment-ci, nous n’étions que deux enfants : moi et mon premier frère. Toute la famille dormait dans la même chambre, les parents dans un lit à deux places et moi et mon frère dans un lit superposé. Étant l’aîné de la famille, j’ai choisi de dormir sur l’étage du haut.
Je me souviens d’ailleurs que moi et mon frère aimions bien faire ce que l’on appelait des sauts en parachute. Nous grimpions à l’étage supérieur du lit et nous tirions par terre en nous servant du lit de nos parents comme piste d’atterrissage, même parfois quand eux-mêmes y étaient.
C’était l’époque où je commençais l’école, avec la prématernelle qui était aussi nommée « maternelle-maison » en raison du fait où celle-ci se déroulait à la maison. Nous étions regroupés en quelques groupes d’élèves, et une à deux fois par semaine nous allions chez d’autres membres de notre groupe ou encore on les recevait chez nous.
Pour faire comme les grands, c’était le grand autobus jaune qui venait nous chercher, et nous partions dans ce grand pachyderme sur roues à l’assaut des rues de mon beau village.
Mon rang 2 n’était asphalté qu’en partie, sur une distance d’environ deux kilomètres à partir du village. À partir de l’endroit où habitait la factrice – que l’on surnommait « Madame la Malle » – le rang 2 était un ruban de gravier qui s’étirait jusqu’où sort le tuyau d’aqueduc municipal, qui formait un petit marais et un petit ruisseau artificiel qui allait se jeter dans la rivière Shipshaw pas très loin de là.
Vivre dans un rang en gravier n’était pas toujours agréable. Il fallait constamment épousseter les comptoirs, car dès qu’une voiture passait, celle-ci soulevait un nuage de poussière plutôt désagréable qui pouvait parfois durer jusqu’à une quinzaine de minutes, à condition toutefois qu’il ne passe pas d’autre voiture.
Si la gratte passe encore en hiver sur mon rang, elle passait aussi en été, car une chaussée en gravier nécessite constamment d’être nivelée. C’est la raison pour laquelle on voyait souvent passer une niveleuse. Elle passait une à deux fois par semaine, lentement, comme toujours.
Pour limiter la poussière, on voyait aussi passer un camion qui répandait sur la chaussée une préparation huileuse sans doute polluante, à cette époque où la chose était moins préoccupante.
Et finalement, en juin 1985, ce fut la grande délivrance! Après toutes ces années d’attente, d’époussetage et d’éternuements, l’asphalte était finalement installé pour l’ensemble de la partie de mon rang qui ne l’avait pas encore.
Je terminais ma deuxième année du primaire, et rapidement le changement a laissé paraître ses premiers effets positifs, avec la disparition des nuages de poussière chaque fois qu’une voiture passait. Cependant, celle-ci passait plus vite, car de la vitesse, ça se fait mieux sur une chaussée asphaltée que sur une chaussée en gravier.
Il reste encore quelques routes en gravier dans mon village, dont le rang 1 – presque inhabité – et la route de la Traverse – qui débute au bout de mon rang et qui va rejoindre le rang 4.
Les rangs à Falardeau, c’est un peu comme le métro à Montréal. Il y a le rang 1, le rang 2 et le rang 4. Le rang 3 existe réellement, sauf que la route qui le dessert et qui dessert aussi le rang 2 porte le nom de ce dernier.
J’espère que je ne vous ai pas trop mêlés…