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Hiver 1993-1994 en prose spontanée

Les froids de janvier 2014 m’ont fait penser à ceux que j’ai vécus vingt ans plus tôt, dans mon Saguenay natal. Jamais je n’avais vu des froids aussi puissants persister aussi longtemps que lors de cet hiver où je terminais mon secondaire.

21 décembre 1993. Je termine l’école pour le congé des fêtes et comme première activité de cette période de repos, je suis parti en motoneige dans le grand bois derrière la maison. La première partie de la randonnée s’est déroulée à merveille, mais s’est gâchée au retour, alors que je me suis enlisé dans la neige. Alors que je forçais comme un diable dans l’eau bénite pour me sortir du bourbier, je sentais le vent se lever, signe de ce qu’on parlait à la radio : une masse d’air arctique approchait et allait faire son entrée avec fracas.

La visibilité qui réduisait et le froid qui mordait de plus en plus fort m’ont poussé à me surpasser davantage pour me sortir de cet amas de neige dans lequel je m’étais encastré. Je ne me souviens plus de quelle façon je me suis enlisé à cet endroit, au beau milieu d’une côte, mais toujours est-il que j’étais un peu fâché contre moi-même puisque j’étais passé à des dizaines de fois en motoneige à cet endroit. Pour me déprendre, j’ai du m’enliser moi-même dans cette même neige, saisissant un ski et l’autre en plaçant l’engin dans un angle qui me permettra de le ramener sur la piste dès que j’aurai rallumé l’engin.

Cela a pu me prendre une bonne vingtaine de minutes avant que je n’aie été capable de m’extirper de ma fâcheuse position et le soleil était déjà couché lorsque je suis revenu à la maison pour écouter ma musique forte composée de musique que j’enregistrais sur cassette à la radio. J’avais 17 ans et je devais être aussi fébrile que mes autres collègues de cinquième secondaire de la fin de cette étape du cheminement scolaire. J’espérais être admis en Art et Technologie des Médias au Cégep de Jonquière même si mes notes étaient correctes, sans plus. On me disait que les notes de quatrième secondaire étaient plus importantes que celles de l’année en cours pour la décision d’être admis ou non dans un programme. Ce n’était peut-être pas vrai, mais j’espérais que ce soit le cas. J’avais connu une bonne année en quatrième secondaire, mais le début de mon cinquième secondaire n’était pas à la hauteur de ce que j’espérais, surtout en mathématiques. Quand on est un homme de lettres qui s’ignore encore, on a plus d’affinités avec les mots et l’alphabet qu’avec les nombres et les chiffres qui permettent de les écrire.

En quatrième secondaire, j’avais un certain Martin Fillion comme professeur, le meilleur que je n’ai jamais eu dans cette discipline, qu’il a presque réussi à me faire aimer. Grâce à lui, j’ai même fini l’année 1992-1993 avec un 82%, moi qui d’habitude collectionnait les échecs dans cette discipline. Mon secondaire 4 a été ma plus belle année du secondaire : j’avais des bonnes notes et mes Nordiques gagnaient!

Mais comme ces derniers, mon année 1993-1994 a été difficile. Éliminés par les Canadiens en avril, l’équipe n’a pas semblé s’être remise de cette humiliation, ayant de la difficulté à aligner les victoires. Même s’ils ont été dans la course aux séries presque jusqu’à la fin de la saison, les Nordiques les ont finalement manquées pour une autre fois dans cette saison qui aura été leur avant-dernière avant leur exil au Colorado. Quant à moi, j’étais aux prises avec un professeur de mathématiques – que je ne nommerai pas – qui était bien plus préoccupé par le syndicat des professeurs que par la qualité de son enseignement. Je ne sais pas combien de fois je me suis levé pour aller lui poser des questions pour ensuite aller me rasseoir encore plus confus qu’avant que je me lève.

Mes Nordiques ne gagnaient pas, mes notes étaient bien ordinaires, et le suicide d’un jeune de mon âge dans mon école me troublaient. Quelqu’un que je connaissais vaguement, qui semblait bien gentil et qui ne semblait pas – en apparence – destiné à une fin si cruelle. Je n’ai jamais compris pourquoi des gens commettent de tels gestes, surtout lorsqu’ils sont jeunes et qu’ils ont la vie devant eux. Kurt Cobain ne s’était pas encore suicidé à ce moment précis, mais son suicide provoqua la même émotion chez les gens de ma génération à mon école que celui-ci. Le jeune était parti à la chasse un dimanche matin. Comme il n’était pas encore revenu en soirée, son frère aîné – lui aussi étudiant en secondaire cinq – est parti à sa recherche en VTT. C’est ainsi qu’il découvrit le cadavre de son frère, gisant au sol. C’était au début de ce mois de décembre 1993.

Heureusement qu’il y avait le chronométrage à l’aréna de mon village qui me permettaient de toucher un peu d’argent de poche et de me faire plaisir. Rien ne me faisait plus plaisir que de faire résonner ma voix dans la petite enceinte frigorifiée que les hockeyeurs de l’extérieur de mon village trouvaient intimidante. Les Comètes de Falardeau gagnaient dans toutes les catégories et comptaient sur le meilleur annonceur d’aréna pour ajouter une ambiance unique qui intimidait les adversaires qui prenaient souvent Falardeau comme une équipe battue d’avance.

Autre souvenir de cet hiver 1993-1994 : le Caribou Show, un festival hivernal organisé en collaboration avec le Club de motoneige Caribou. L’idée était bonne, la motoneige étant très populaire depuis toujours dans mon village. Malheureusement, l’organisation vaguait d’improvisations en improvisations et la météo n’aidait pas. Par exemple, je me souviendrai du feu d’artifices à l’ouverture du festival, présenté un soir où il faisait -35 degrés et où bien peu de gens s’étaient déplacés. Je me souviendrai aussi d’un spectacle de patinage artistique donné par une troupe de Chicoutimi qui a eu à peu près la même affluence. Bref, un échec sur toute la ligne et le Caribou Show est mort de sa belle mort après une seule édition.

L’hiver a fini par finir par passer, mais à quel prix! Le printemps ne commença que timidement dans le premier tiers d’avril et le lac Saint-Jean n’a été libéré de ses glaces que le 20 mai, l’une des dates les plus tardives jamais enregistrées! Comme quoi il ne faut jamais cesser d’espérer, même quand l’adversité nous gèle de son vent de face.

1 réflexion au sujet de “Hiver 1993-1994 en prose spontanée”

  1. Cet hiver je m’en souviens comme si c’était hier… Comme il avait neigé à Montréal. A chaque fin de semaine une tempête de neige de 30cm et quelques fois même plus. On aurait pu dire que c’était bon pour le ski mais les gens ne se risquaient pas en haut des pistes puisqu’il faisait -50c. Je m’en souviens encore parce que c’est l’année où notre chien Charlot est entré dans notre vie. J’avais promis un chien à mon garçon pour ses 15 ans mais j’ai précédé d’une année l’obtention de notre toutou. Ah ce qu’on se les a gelé… Aie, aie, aie 😤 !

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