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« Quand je vois des amoureux,
Je trouve ça niaiseux.
Agrippés aux illusions
Comme deux beaux totons
S’ils savaient ce qui les attend
J’pense que je serais pas plus content
Que l’bonheur des autres me fait donc chier… »
–Plume Latraverse, Le joyeux misanthrope (La complainte du gars qui haït tout pis qui aime rien)
14 février 2007. C’est en après-midi et j’assiste à l’Université de Sherbrooke à un cours « Fondement des communications » donné par un sympathique et excellent professeur originaire de France. Outre le contenu de la leçon, notre professeur craignait pour sa voiture vis-à-vis le gros monstre météorologique qui s’apprêtait à frapper l’Estrie ce jour-là.
Venu des États-Unis, la tempête était prévue pour commencer en soirée pour ensuite sévir jusqu’au milieu de la nuit suivante. Mais à voir ce qu’il y avait par les fenêtres, on se demandait si les météorologues allaient aussi être surpris que je l’étais à voir la neige commencer à tomber plus vite que prévu.
Une fois le cours terminé, il n’y avait plus de doute : la tempête avait accéléré la cadence et frappait plus vite que prévu, à un point tel que Sherbrooke au complet a été complètement prise par surprise par la furie des éléments. Moi qui avait prévu revenir chez moi pour ensuite souper et aller par la suite au gymnase de l’Université pour y brûler quelques calories, j’ai vite compris en avançant contre le vent et la neige qui m’assaillaient qu’il serait plus sage de rester chez moi ce soir-là. Pendant que je pensais, la neige s’accumulait à mes pieds et le vent rugissant transformait chaque flocon en missile pointu qui me forçait à avancer péniblement vers ce modeste logement qui me servait de capsule de refuge temporaire. C’était un appartement de type un et demi, gros comme une trois pommes, meublé d’un futon qui commençait à résister de moins en moins à ma charpente balzacienne. Un trou que mon état mental douteux du mois d’août précédent m’avait fait croire que c’était une belle place pour emménager, alors qu’il aurait été préférable d’aboutir ailleurs. J’étais en dépression-peine d’amour-crise d’ado attardé (ou un mélange des trois à la fois) et j’avais accepté de vivre dans ce bloc situé à une dizaine de minutes de marche de l’Université de Sherbrooke, où j’avais repris les études après une expérience rockdétentienne qui a tourné au vinaigre en raison de mon état mental douteux du moment, chose que j’aurais pu éviter simplement en passant mon tour lorsqu’on m’a offert l’emploi en juin 2006, me sachant pas au maximum à ce moment-ci, mais jamais dans les proportions qui se sont révélées peu après, chose que vous lirez un jour dans mes mémoires. (Ex-patrons rockdétentiens, je sais que je n’ai personne d’autre que moi-même à blâmer pour cet épisode où j’avoue vous avoir fait dans les mains bien malgré moi alors que je me pensais en bonne forme. Si je l’avais été pour vrai, je travaillerais encore pour vous aujourd’hui, j’en suis certain! Mais bon, cessons de faire du coq à l’âne et revenons au récit prévu à l’origine.)
Plus j’avançais vers mon bloc, plus j’étais certain que cette tempête allait en être une dont on allait se souvenir longtemps. Pas longtemps après avoir eu cette impression, des voitures ayant de la difficulté à monter la côte du Boulevard de l’Université sont venues me donner raison. Après avoir bravé vents réels et marées de cristaux glacés armés de pics, j’ai fini par arriver chez moi, où je constatai par la fenêtre que ma minoune du siècle précédent était déjà enterrée de cette neige qu’on aurait sans doute vite oubliée si ce n’était du fait du jour où l’on était à ce moment précis : le jour de la Saint-Valentin, fête dont je me suis toujours foutu de la gueule.
En éternel vieux garçon un peu révolté contre le monde que j’étais à ce moment-là, savoir que cette tempête allait jouer les troubles-fête pour ce jour que je surnomme « journée mondiale des gens qui ont des choses à se faire pardonner » me faisait sourire en coin. Je savais que bien des couples allant au restaurant manger de la cochonnaille devant des chandelles cheap et des roses de Rose Drummond en écoutant du Céline Dion et en buvant du Baby Duck. L’horreur absolue! Mais ça fait faire bien de l’argent aux fleuristes et aux restaurateurs. Des blaireaux suiveux par milliers, ça fait rouler une économie ça! Mais en ce soir de tempête, l’économie tournait dans le vide comme la roue d’une voiture enlisée dans un tapis neigeux dont l’épaississement ne faisait que rendre encore plus difficile son tournage normal. Les amoureux amateurs de champagne cheap, de roses et autres clichés n’ont pu se rendre au resto, et pris par surprise par la furie des éléments, ont pensé qu’il serait plus sage de retourner à la maison, ce qui n’a pas été plus facile que de persister pour se rendre au resto.
De mon côté, je m’en foutais. J’étais au chaud dans mon très petit appartement, perdant mon temps sur Internet, alimentant mon blog de l’époque – heureusement fermé – et regardant le match que le Canadien jouait au New Jersey en mangeant du spaghetti aux tomates accompagné de jus d’orange tout en écoutant du Nelly Furtado. Une soirée en solo parmi tant d’autres dans mon p’tit bonheur de chemin! Pas d’amoureux à amener au restaurant pour lui faire boire des je t’aime teintés de clichés dans un environnement encore plus chiché que jamais, rempli de ces trucs qui font de la St-Valentin ce monstre de kétainerie que je hais et dont le célibat m’évite d’avoir à jouer aussi à cette mascarade. Bref, pendant que des couples partis fêter ne l’ont pas fait à cause de la tempête, moi je fêtais ma liberté bien au chaud, bien confortablement, sans roue de minoune enlisée dans la neige. D’ailleurs, la mienne était déjà bien enterrée au milieu de cette soirée.
Outre la St-Valentin, j’aime encore bien me foutre de la gueule du Canadien de Montréal. Si ce célibat qui s’éternise m’amène à rire de la St-Valentin, mon passé de partisan des Nordiques me pousse à faire de même avec le CH. D’ailleurs, les amoureux de la St-Valentin et le Tricolore avaient ça en commun en ce soir du 14 février 2007 : le ciel leur est tombé sur la tête! Pendant que des amoureux sherbrookois étaient prisonniers d’un enfer blanc dans leur voiture, le gardien de but Cristobal Huet du Canadien était blessé à la cuisse gauche en faisant le grand écart pour arrêter un lancer de Brian Rafalski des Devils du New Jersey, qui l’ont emporté ce soir-là.
Je me souviendrai toujours de cette tempête que je surnomme « La tempête des Valentins », l’une des tempêtes de neige marquantes de ma vie, un peu comme « La tempête des Femmes »que j’allais vivre à Montréal l’année d’après. Et si j’avais été un de ces amoureux pris dans le blizzard, mon regard sur cette fête aurait-il été différent? Du tout! Kétaine un jour, kétaine toujours. Et je n’aime pas plus le CH aujourd’hui!
J’ai peut-être l’air de me réjouir du malheur d’autrui, ce qui est vrai un peu. Il ne faut pas prendre ça au pied de la lettre, ce n’est jamais plaisant d’être pris dans une tempête de neige. Je me souviendrai toujours de celles que j’ai vécue au pays de BYBF – prisonnier de cette tempête, il me l’a confié quelques temps après – , mais aussi celles de Kapuskasing et du triangle noir du lac Saint-Jean. Ah! Cette fois où, en quittant Alma en direction de Saint-Bruno et Jonquière, la police avait fermé la route 169 tout de suite après que j’aie passé alors que la visibilité était nulle et que le vent venu du lac Saint-Jean soufflait de toute sa furie. Ce n’était pas agréable, mais au moins ce n’était pas dans un contexte de satisfaction d’une pseudo-fête des amoureux se vautrant dans la kétainerie…
« J’ris pas du malheur d’autrui
Chacun fait sa vie.
J’souhaite pas de mal à personne
Chiâler, c’est mon fun!
Si j’ai rien à me mettre sous la dent
J’lis Foglia pour passer l’temps!
Nous autres, on aime pas ça des fruits!
Correct, ok là? »
– Plume Latraverse, Le joyeux misanthrope (la complainte du gars qui haït tout pis qui aime rien)
très bon article 🙂 à méditer