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Tempête

Je me souviendrai toujours du 21 mars 2012. Le mercure était monté jusqu’à 25 degrés celsius, comme si juillet et mars avaient échangé leur place. Ce matin-là, j’étais allé travailler en bermudas et en sandales, provoquant un mini-scandale sur les réseaux sociaux parce que j’avais posté une photo de mes pieds encastrés dans leurs sandales enrobés chacun d’un bas noir qui n’avait pas sa place.

Tout le monde pensait alors que le réchauffement de la planète était finalement venu à bout de l’hiver québécois, cette bestiole jadis coriace qui, dans ses meilleures années, imposait ses premières manifestations aussitôt qu’à la mi-octobre avant qu’un printemps finisse par être assez fort pour le mettre en échec en avril ou en mai après une série d’essais infructueux. En 2012, après une succession d’hiver où les froids ont été moins mordants que jadis et où la neige a été moins abondante, on croyait que plus jamais nous n’aurions besoin d’aller à Miami pour avoir de la chaleur puisque celle-ci s’en venait enfin passer l’hiver parmi nous. Bref, nous étions tous aux anges.

 

Je ne partageais toutefois pas cette euphorie collective. Tout se paie, tout s’équilibre! J’avais dit à un collègue de travail que le 21 mars 2013, il ferait froid et il y aurait de la neige. Or, il a fait froid et il y avait de la neige. Même si le printemps était commencé depuis la journée précédente, l’hiver 2012-2013 se poursuivait malgré tout, comme s’il avait été envoyé en mission par Dame Nature pour nous rappeler ce qu’est un hiver normal ici.

 

Un hiver normal ici, c’est un hiver où la neige tombe, où on se gèle le cul, où il vente parfois à écorner les bœufs, bref où de la mi-octobre à la mi-avril on n’en finit plus de pelleter, de geler, de sacrer.

 

On se faisait souvent dire à une certaine époque qu’en avril, il ne faut pas se découvrir d’un seul fil. Les années précédentes – surtout 2012 – nous l’ont fait oublier. 2013 nous l’a rappelé en pleine face.

 

Après tout le froid et la neige des dernières semaines, on croyait en avoir fini avec l’hiver pour de bon. Or, voici que se pointe une tempête de neige, alors que nous approchons la mi-avril. À voir et à lire tout ce que je constate sur les réseaux sociaux, on vit la chose comme une calamité, comme si c’était la fin du monde, comme si ce n’était jamais arrivé avant qu’une bordée tardive ne se manifeste, tellement frileux que nous sommes rendus, fantasmant en vain ne jamais revoir telle chose se produire encore, préférant que ça ne se produise pas ailleurs que dans les annales météorologiques.

 

Une tempête va frapper – ou frappe-t-elle déjà, tout dépend du moment où vous lisez ce texte – et celle-ci traduit toute l’agitation qui se passe au-dessus de nos têtes. L’air chaud et humide en provenance du sud, favorisé par une inclinaison planétaire lui permettant de prendre la place qui lui revient, lutte contre l’air froid du nord relié à l’hiver. Cette rencontre entre ces masses d’air si différentes provoque toujours des flammèches, certaines ayant même des conséquences parfois dramatiques. Parlez-en à nos voisins américains qui, en plus d’essuyer des tempêtes de neiges, doivent aussi composer avec les tornades, ces gigantesques aspirateurs tourbillonnants qui labourent les plaines du Mid-West des États-Unis en abondance à ce temps-ci de l’année.

 

Quand on se regarde, on se désole. Quand on regarde les autres, on se console. Bref, l’histoire se répète. Elle se répète à condition de ne pas l’oublier. Or, je me souviens encore du 27 avril 2010. Les arbres étaient déjà en feuilles dans mon douillet Ville Mont-Royal, où ma voiture rendait l’âme après cinq ans de loyaux services. En plus de ma minoune, j’avais celle de mes parents, partis en Europe. Il était tombé une trentaine de centimètres ce jour-là, et malgré la tempête, j’ai profité d’une journée de congé pour me payer un road-trip qui m’a mené jusqu’à Cornwall en Ontario, où il neigeait tout aussi intensément qu’à Montréal. Une belle grosse neige mouillée, collante, qui colle aux poteaux comme du crémage à la vanille.

 

C’est d’ailleurs cette texture particulière de la neige qui fait que dans notre terroir québécois, l’expression « tempête des poteaux » est employée pour décrire ce dernier soubresaut d’un hiver qui n’en finit plus de finir, mais qui finit par finir par pousser son dernier cri avant qu’on en ait obtenu la paix une fois pour toutes. Après une ou deux journées transitoires, le soleil et la chaleur de saison reprennent leurs droits, et le printemps reprend de plus belle, libéré pour de bon – on l’espère – de cette coriace bête sauvage qu’est l’hiver.

 

Et entre affronter une tornade comme celles qu’on voit aux États-Unis, je préfère nettement mieux une tempête de neige qui dure certes plus longtemps, mais qui ne cause pas de dégâts et qui ne tue personne.

 

Bonne tempête des poteaux!

 

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