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Vieillir m’amuse

Ce matin, juste avant le travail, je fais le même rituel : je me mets un nouveau chandail pour remplacer celui que je porte lors de la randonnée de vélo qui m’amène au travail et que la sueur provoquée par cette dernière a trop humecté pour que je puisse le porter. J’essuie du même coup cette sueur, me mouille un peu les cheveux et y met un peu de gel, question de les rendre plus beaux.
C’est en les engluant légèrement de cette substance que j’ai remarqué un cheveu gris qui s’est faufilé à travers ma brune chevelure. Ce n’est pas la première fois que je remarque cette grise présence dans ma capillarité. Je sais que ça date de quelques années, mais ça fait si longtemps que je ne saurais dire avec exactitude quand ça a commencé.
Mais s’il y a une seule chose dont je me souviens concernant cet instant de découverte, c’est que celui-ci m’a plus fait sourire que de susciter quelque forme d’inquiétude que ce soit.
Il y a longtemps que j’ai compris que dès le moment où nous effectuons notre sortie du ventre de notre maman nous commencions à faire deux choses sans arrêt à chaque instant de notre vie jusqu’à ce celle-ci en soit à ses dernières fractions de seconde, ces choses étant respirer et vieillir.
Le temps file dans une seule direction et tout au long de notre existence nous surfons sur cette vague, se tenant en équilibre sur elle jusqu’à ce qu’elle se divise et que le passé nous absorbe en semant nos restes dans l’urne funéraire.
Vivre cent ans, ça paraît gros quand on est enfant, ça le devient moins quand on a vieilli et quand on crève rendu à ce cap vénérable, on a l’impression que ça a duré un vague instant.
La terre est vieille de je ne sais pas combien de centaines de millions d’années. Cent ans pour un humain, c’est gros mais pour la terre, ce n’est qu’une fraction de fraction de seconde.
Toutes proportions gardées, nous ne sommes que des particules d’éphémère qui s’illuminent dans l’obscurité temporelle le temps de notre vie, un peu comme les lucioles la nuit dans un rang de Saint-David-de-Falardeau.
Alors pendant que brille notre lumière, pourquoi ne pas profiter de chaque instant qu’elle illumine, en assumant pleinement que nous en sommes rendus à un point précis dans notre évolution, dans notre marche dans cet espace temporel?
J’aurai trente-six ans en octobre et cela ne m’effraie pas. Le temps avance et moi j’évolue avec lui. Quand on me demande mon âge, je dis toujours la vérité et certains font le saut, eux qui me voyaient encore dans la vingtaine.
Pourtant, je ne met aucune crème sur ma peau, n’utilise aucun maquillage, ne me suis fait faire aucune chirurgie plastique.
Je suis même contre ça, les chirurgies plastiques. Avec ça et le botox, j’ai souvent vu des gens de l’âge de mes parents devenir une triste caricature de ce qu’ils étaient quand ils étaient plus jeunes, comme si la jeunesse devait durer toute la vie, ou du moins l’impression qu’elle dégage.
Ça se sent quand on rencontre un visage remonté. On sent l’artificiel qui s’en dégage, comme si le visage de la personne s’était transformé en vulgaire masque de chair remplaçant le vrai visage qui devait occuper cet espace.
Cette impression d’artificiel me désole tellement que je ne veux rien savoir de l’avoir un jour sur mon visage, à moins que je n’attrape une maladie ou que je sois victime d’un accident qui le déforme.
Je surferai donc sur la vague du temps, assumant l’endroit où je me situe dans mon parcours, sachant qu’on ne peut revenir en arrière de toute façon et que le temps qui reste – dont je ne peut prédire la durée – ne durera qu’un temps lui aussi, tout comme moi.
J’ai 35 ans, bientôt 36, et je n’en suis pas gêné et ne le serai jamais.

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