Je n’aime pas vraiment la chanson « Libérez-nous des libéraux » de Loco Locass. Lancée en 2004 pour commémorer le premier anniversaire de l’arrivée au pouvoir de Jean Charest, cette ritournelle a été souvent ressortie des boules à mites à chaque fois qu’une occasion se présentait pour traduire toute forme de protestation à l’une ou l’autre des choses commises par ce régime politique qui sévit sur la province depuis bientôt une dizaine d’années.
Si je n’aime pas cette chanson, ce n’est pas parce que je n’aime pas Loco Locass. Je ne suis pas toujours d’accord avec eux mais ce sont de formidables architectes du vocabulaire assez futés pour explorer toutes les sonorités d’un mot et de les insérer dans des tournures de phrase d’une précision qui surprend toujours de par son ingéniosité. Si je n’aime pas cette chanson, c’est que son titre formule une demande à un sauveur venu d’on ne sait trop où pour nous libérer des libéraux. Tant qu’à ça, pourquoi pas rajouter le traditionnel « Peuple à genoux, attends ta délivrance »?
Pourquoi le bon peuple devrait-il attendre après un sauveur alors qu’il a une chance inespérée d’être lui-même son propre sauveur?
Le conflit étudiant est devenu un prétexte pour extérioriser un ras-le-bol collectif qui sommeillait trop tranquillement depuis trop longtemps chez une bonne partie de la population qui s’est mise à s’exprimer trop violemment aux yeux de la classe politique au pouvoir. Elle n’a rien trouvé de mieux pour répliquer que cette loi 78 qui n’a fait que solidifier ce mouvement de ras-le-bol collectif au lieu de le calmer, comme s’il était soudainement devenu possible d’éteindre un feu que l’on a soi-même allumé en l’aspergeant d’essence.
Le gouvernement est retourné à la table des négociations avec les associations étudiantes. Tout le monde se doutait bien que malgré les belles paroles lancées d’un côté comme de l’autre, tout cela n’allait être dans le fond que d’une utilité cosmétique tellement ça n’allait rien changer. Effectivement, rien n’a changé et tout le monde est resté sur ses positions, la ministre de l’éducation Mimi Coucou ayant quitté la table des négociations. C’était presque drôle d’entendre Jean Charest déclarer quelques minutes plus tard en conférence de presse que la porte était toujours ouverte pour négocier à nouveau, mais ce ne l’était pas du tout, car ce sont plutôt eux qui ont mis fin aux négociations. Plus tard, le frisé y est allé d’un moment de télévision plutôt surréaliste à Radio-Canada, interrogé par une Céline Galipeau qui doit sans doute être encore ébranlée de cette entrevue avec un interviewé aussi bagarreur qu’intransigeant. Bref, rien pour calmer la grogne et les casseroles qui tapochaient encore hier soir et qui le feront encore ce soir malgré le mauvais temps et la pluie abondante au menu pour une partie de la province.
Au risque de me répéter – et de radoter – l’Histoire (avec un grand H) s’écrit avec cette crise étudiante. Nous vivons quelque chose qui ressemble en rien à ce que nous avons vécus collectivement comme peuple avant ce jour. Quelle sera la prochaine étape? Ça semble difficile à prédire. Jean Charest dit qu’il est encore en poste pour les 18 prochains mois et qu’au terme de ceux-ci il y aura une élection.
La chose demeure possible sauf que le rouleau compresseur que sera la Commission Charbonneau pour le PLQ lui donnera envie d’aller aux urnes avant plutôt qu’après, les chances de rester au pouvoir étant meilleures dans ces conditions. Ce que révélera la commission causera un tort au PLQ qui lui prendra des années à se remettre, un peu comme les libéraux fédéraux ne se sont pas encore remis de la commission Gomery dont les résultats leur ont fait perdre le pouvoir à la fin de 2005, pavant la voie à l’élection de Stephen Harper. Se sachant pris dans un étau, Jean Charest semble vouloir motiver la population qui se prépare de plus en plus à l’éventualité d’un scrutin estival.
Le slogan de Jean Charest et du PLQ en 2003 était « Nous sommes prêts! ». C’est à notre tour de l’être. Soyons-le en tout temps, peu importe le moment où les élections sont déclenchées, que ce soit demain matin ou au terme de ces fameux 18 mois. Allons surtout voter et méfions-nous des belles paroles de Charest. Mais soyons aussi lucides, car les beaux parleurs peuplent également les autres partis politiques. Malgré tout, il faudra les écouter quand même afin de choisir le moins pire d’entre eux si un jour nous voulons nous libérer des libéraux!